La disparition du symbole de la résistance pacifique, Etienne Tshisekedi est une pilule amer qui ne passe pas jusque là dans les gorges de certains congolais. Le contour même de son décès est encore un gaz piquant près duquel personne ne veut approcher son nez. Accord global et inclusif obtenu le 31 décembre 2016, arrangements particuliers en cours, surveillance de la mise en œuvre dudit accord assurée par le Président du conseil des sages du Rassemblement ; la RDC semblait entrer dans une nouvelle dynamique au moment où « Ya Tshitshi » a rendu l’âme ! Personne ne veut y croire ! Tous ses efforts sont partis en fumée pensent plusieurs. Peut être que tout n’est pas fini.
C’est vrai. Le baobab qui cachait la forêt s’est écroulé. Wa Mulumba s’en est allé au moment où l’opposition fait ses premiers pas vers l’unité. Au moment où elle essaye de parler d’une seule voix même en balbutiant. Les choses ne commençaient qu’à se structurer. Tout de même, Etienne Tshisekedi semble avoir tracé la voie à suivre pour la normalisation de la vie sociale et politique en RDC, à travers différents messages livrés aux congolais.
La communication implicite d’E. Tshisekedi
Alors qu’il vivait ses derniers moments sur terre sans que personne ne le sache, -comme le laboureur et ses enfants-, le Lider Maximo fit venir ses compagnons de l’opposition à Genval en Belgique et leur parla devant les caméras. Ce jour là, le lutteur infatigable a prêché à l’opposition et aux congolais, la lutte dans l’unité pour le secours du processus démocratique en RDC. Il venait de léguer à ses paires la richesse qui a façonné sa personnalité : La lutte.
Ses médecins ne voulaient pas qu’il s’éloigne aussitôt du lieu où il était suivi pour ses soins médicaux, afin de s’assurer la stabilité de son état de santé. Mais pour lui, un Etienne Tshisekedi Malade ne représentait pas grand-chose face à un Congo très malade. Il fallait contribuer à son rétablissement. Ainsi, «il a fait passer la RDC avant sa santé pour regagner Kinshasa et poursuivre le travail de Genval en engageant l’opposition sur la voie du dialogue», pense un observateur. Le sacrifice de soi.
Même en prônant le dialogue, des doutes persistaient quant à la ferme volonté du Lider Maximo à discuter profondément avec le pouvoir de Joseph Kabila, faire des concessions jusqu’à parvenir à un accord. Il était qualifié de Monsieur « NON». A la grande surprise, Wa Mulumba qui a prêté serment dans sa résidence privée de Limete en 2011 en tant que Président élu, et depuis ne reconnaissait à l’actuel président ni légitimité, ni légalité, va dire «OUI». Le président en fonction peut diriger la transition jusqu’à l’installation effective de son successeur. Un dépassement sans précédent.
Il voulait cette fois-ci être au premier plan dans la conduite du processus de sauvetage de la démocratie en RDC. Il a choisi pour ce faire, le rôle de sentinelle pour veiller au bon déroulement de l’application du consensus obtenu au terme des concessions faites par les parties prenantes aux négociations autour de la Conférence nationale épiscopale du Congo. Etienne Tshisekedi est resté vigilant jusqu’aux derniers jours de sa vie.
La Majorité présidentielle a essayé de lui demander plus : soumettre une liste des candidats à la primature au Président de la République pour qu’il en nomme un premier Ministre de la transition. Sur cette question l’opposant charismatique, comme d’aucuns l’appellent est resté intransigeant : «un nom ou rien». Nous pouvons faire de compromis, mais pas de compromission, disait-il sans le dire à ses compagnons.
L’espoir dans l’héritage
Etienne Tshisekedi Wa Mulumba savait qu’il ne pouvait pas lutter éternellement pour le peuple congolais. Un jour, il fallait que ce peuple lutte seul. D’où la phrase «prenez vous en charge» devenue une ritournelle pour ses partisans. Ce jour est arrivé depuis le 1er février, lorsque l’opposant historique a fermé les yeux pour une dernière fois. En apprenant sa mort, le peuple congolais apprenait bien entendu que son combattant avait cessé de combattre pour lui. Il devra combattre seul.
Il y a de l’espoir. Le président du conseil des sages du Rassemblement a légué tout son héritage à la classe politique congolaise, aux congolais. Les valeurs qui ont fait de lui l’homme de confiance du peuple : la lutte, le sacrifice de soi, le dépassement, la vigilance, la non-compromission, l’organisation, et peut être plus. Seul l’héritage de ces valeurs pourra faire vivre l’espoir du changement en RDC en cette période charnière de l’histoire de ce pays.
Les défis de l’opposition
Le guide s’en est allé dans l’au-delà en laissant l’opposition divisée, mais regroupée dans des plateformes : Rassemblement de l’opposition, Front pour le respect de la constitution, opposition signataire de l’accord du 18 octobre, opposition républicaine et depuis peu l’opposition Samy Badibanga (OPSA). L’idée d’unité est déjà là mais l’unité pas encore. Si cette unité est difficile à obtenir du jour au lendemain, elle est peut être possible grâce à un dépassement dans le chef des opposants.
La plateforme la plus importante de l’opposition, le Rassemblement, au regard ne serait ce que des postes à pourvoir qui lui reviennent conformément à l’accord du 31 décembre (Président CNSA, primature, 13 ministères…) est la plus exposée à ce défi. Là encore le dépassement des uns et des autres reste la clé pour assurer la succession de « Ya Tshitshi » dans la lutte contre les antivaleurs, sans division. Sans unité, personne ne fera aboutir seul, le combat de «Tshitshi».
Cette opposition qui s’est toujours divisée devant les intérêts devra également faire passer les intérêts de la RDC avant ses propres intérêts. Dire « NON » aux propositions qui sacrifient la population, même quand on y retrouve son propre compte.
De ça dépendra sa crédibilité Etienne Tshisekedi a rendu l’âme en communicant à ses compatriotes sa conception de l’issue de la crise politique en RDC pour le bien-être des congolais : le dialogue à la place de la confrontation, l’unité que la division, le compromis mais pas la compromission, l’intérêt commun et non l’intérêt individuel. La compréhension et l’intériorisation de ces messages est le grand défi à relever par les opposants congolais pour porter l’espoir d’un Congo meilleur que bon nombre des congolais ont placé en Etienne Tshisekedi.