Femme, médecin dentiste à l’hôpital général de référence de Kinshasa (ex Maman Yemo), Madame Mafuta Azama Lola, épouse et mère de deux garçons affirme qu’il n’est pas facile d’être médecin dentiste en République démocratique du Congo. Un pays où la médecine bucco-dentaire n’est pas connue et reconnue. Sous un autre registre, la femme médecin déplore la faible représentativité de la femme au niveau des instances décisionnelles nationales. Elle invite le pouvoir public à mettre en place des mécanismes d’égalité des chances. A sa consœur femme, elle appelle à plus d’efforts. Le tout est à découvrir dans cet entretien qu’elle à accordé au journal Kinshasatimes.net, dans le cadre de la Journée du 8 mars, consacrée aux droits des femmes à l’échelle internationale.
Kinshasatimes: Pouvez-vous, vous présenter aux lecteurs de notre journal ?
Mafuta Azama Lola: Je suis Docteur Mafuta Azama Lola, médecin dentiste à l’hôpital général de référence de Kinshasa ex Maman Yemo. J’ai fait mes études à l’Université de Kinshasa, dans la faculté de médecine, département d’Odonto-stomatologie. Je suis diplômée depuis 2009. Dès l’année de l’obtention de diplôme à ce jour, je preste à l’hôpital général de référence de Kinshasa, comme dit ci-haut. J’assume également des responsabilités au niveau de l’Ordre national des chirurgiens dentistes ou je suis Cellulaire ou Représentante au sein de cette organisation. Je suis également chargée des relations publiques au sein de la Dynamique des femmes chirurgiens dentistes. Je suis responsable du cabinet dentaire RHEMA DENTAL au sein de la clinique FON LIVE. Enfin, je suis femme mariée et mère de deux garçons.
K.T: En République démocratique du Congo, la journée du 8 mars, consacrée aux droits de la femme à l’échelle mondiale a été célébrée sous le thème « leadership féminin d’excellence, société égalitaire et numérique à l’ère de Covid-19 ». Vous retrouvez-vous dans ce thème ?
M.A.L: Effectivement, la Covid-19 a changé le traditionnel mode de vie qu’avait le monde en général, celui du travail en particulier, avant l’incrustation de cette de Coronavirus dans nos vies. Le confinement, le couvre-feu et autres mesures et gestes mis en place par les dirigeants et les autorités sanitaires partout, à travers le monde, permettent non seulement aux citoyens de se protéger contre la cruelle et mortelle Covid-19, mais ils ont aussi réduit des mouvements, et la manière ou la méthodologie du travail. Ainsi, avec les technologies très avancées, il est temps de faire recours au numérique, afin de permettre à tous d’accomplir même à distance sa tâche. De rester attaché à son travail, quoique physiquement absent du bureau ou du lieu de service. Dans cet ordre, la gente féminine ne devait rester à la traîne. Elle doit jouir des mêmes droits, de même égalité de chance, dans une société devenue proie de la pandémie. Sinon, il y a lieu de dire que je me retrouve dans ce thème, qui, à mon avis promeut l’émergence du leadership féminin. Étant médecin, nous avons à recourir au numérique pour nombreuses tâches. Notamment, poser le diagnostic. Bref, nous sommes là devant un moyen qui nous permet à assumer nos responsabilités comme d’ordinaire.
K.T: Quel rôle entend jouer la femme médecin, afin d’éradiquer les antivaleurs qui ont élu domicile dans le secteur de la santé ?
M.A.L: Il faudra avant tout préciser une chose: la femme a été associée à la transformation de l’humanité dès les premières heures de la création du monde par son Créateur. C’est ce même rôle qu’elle continue à jouer dans chaque société, en commençant par la famille. Ne dit-on pas qu’éduquer une femme, c’est éduqué toute une société ? C’est cela. La femme est la première éducatrice de la société. C’est elle la première institutrice. Étant mère, elle assure la première éducation à tout enfant du monde. C’est le même rôle d’éducatrice, de model de comportement, d’affection et d’amour de bien faire qu’elle doit répercuter et pérenniser partout où elle passe. De même dans le monde professionnel. La femme médecin ne doit pas aller à contre-pied de cette évidence. Elle doit conscientiser et sensibiliser pour les valeurs. La femme médecin dentiste est appelée à dénoncer toute antivaleur dans son milieu de travail, en famille, et partout. Elle est invitée à rappeler les autorités ou le pouvoir public, rôle qui est le sien au sein de la société. C’est ainsi que nous nous regroupons au sein de la Dynamique des femmes chirurgiens dentistes (DYFED), qui est un cadre permanent d’échanges, permettant à valoriser la profession de femme médecin dentiste. C’est aussi un cadre d’échanges scientifiques. Je voudrais apporter une autre précision, c’est que l’Ordre national des chirurgiens dentistes a pour présidente, Madame Banza, une femme qui assume avec perspicacité le leadership féminin.
K.T: Comme femme et surtout médecin, il arrive que vous travaillez avec vos collègues hommes. Comment vous sentez-vous à leurs côtés ? Épanouie ou lésée ?
M.A.L: Nous avons des compétences pour avoir fait les mêmes études, la même formation que les hommes nos partenaires. Si hier l’on a vécu la masculinisation de certaines formations, de nos jours, laissez-moi vous rassurer que la femme investie toutes les filières de formations qui existent. Vous avez des femmes médecins tout comme vous en avez d’autres avocates, magistrats, ingénieur dans tel ou tel autre domaine. Vous avez des femmes pilotes, militaires et/ou policières, professeures d’université ou institutrices. Cette liste n’est pas exhaustive. Juste pour vous dire que nous sommes épanouies. Nous ne nous sentons léser. Nous travaillons sans gêne aux côtés des hommes. Rassurez-vous que dans chaque famille, la jeune fille a grandi et continue de grandir, de jouer avec et aux côtés des hommes. De même, sur le plan scientifique, nous avons appris les mêmes sciences. Et la science n’a pas de sexe.
K.T: Quel rôle la médecine bucco-dentaire joue-t-elle dans le secteur de santé et dans la société ?
M.A.L : La médecine dentaire a pour rôle d’influencer le mode de vie de la population, de manière à entretenir une bonne hygiène, un bon état de santé bucco-dentaire, de prévenir les maladies bucco-dentaires. Elle a la responsabilité de dispenser le traitement adéquat aux personnes souffrant d’affections bucco-dentaires pour pouvoir interrompre de façon hâtive l’évolution de la maladie et autres maux de dents.
K.T: Est-ce facile pour vous d’être médecin spécialiste de la dent ? Quel est à ce jour, la place de la recherche dans ce secteur au niveau national ?
M.A.L : Il n’est pas facile d’être médecin dentaire en RDC, un pays où la médecine dentaire est jusqu’ici, une discipline qui n’est pas bien connue et reconnue. S’agissant de la recherche dans ce domaine, il faut dire qu’au niveau de l’Ordre national des chirurgiens dentistes, il est organisé à la régulière des formations continues. Notamment, les journées Odonto-stomatologies, les ateliers et conférences.
K.T: Êtes-vous satisfaites de la représentativité de la femme en général, médecin en particulier dans les instances de prise de décisions au niveau national ?
M.A.L: Nous ne sommes pas satisfaites. Mais il y a du progrès. Tous ce que l’on souhaite, c’est de voir la femme de plus en plus représentée à tout le niveau de la vie nationale. Et surtout au niveau des instances décisionnelles au niveau, tant national qu’international. Il appartient également aux femmes que nous sommes, de nous mettre à l’évidence que pour obtenir cette représentativité, nous sommes appelées à fournir plus d’efforts, dans tous les domaines pour obtenir ce que nous désirons. Jusqu’ici, ce n’est pas un acquis. Il s’agit d’un combat de méritocratie d’une part, et d’autre part, l’Etat est appelé de mettre en place des mécanismes pour l’égalité entre l’homme et la femme. Tel, l’accès à l’éducation et l’emploi de la jeune fille.
K.T: Votre dernier message pour cette occasion ?
M.A.L: Mon dernier message de ce jour s’adresse, primo, à l’Etat congolais. J’invite l’Etat à faire de la promotion de fille et/ou de la femme en général, du leadership féminin en particulier une priorité.
Secundo, mon message s’adresse aux familles et aux parents, de favoriser la scolarité de la jeune filles au même titre que celle du jeune garçon, afin d’obtenir une participation pleine et effective, dans tous les domaines de la vie. Ce qui favorisera le progrès de tous.
Tertio, le 20 mars de chaque année, nous célébrons la journée mondiale de la santé bucco-dentaire. Pour cette année, le thème retenu est: » Sois fier de ta bouche’. À cet effet, je recommande à la population de se faire consulter deux fois l’an par un médecin dentiste. Ce, en vue de prévenir certaines maladies bucco-dentaires. Je ne puis finir sans souhaiter à toutes les femmes, un fructueux mois de mars, mois consacré aux droits qui sont les nôtres.
Propos recueillis par Giscard Havril