Il est l’un des jeunes les plus actifs dans le milieu associatif. Acteur de la société civile depuis plusieurs années, Jean-Félix Mwema Ngandu né à Kinshasa il y a une trentaine d’années. Il a initié Buswe Institute consacré à la recherche indépendante et à la politique innovante, et mis en place « Community service Day » une action mensuelle d’assainissement.
Alors qu’un grand bruit faisait de lui candidat au gouvernorat de Kinshasa en 2018, cinq ans plus tard c’est dans la circonscription de Lubumbashi qu’il se lance à la course aux élections législatives et provinciales du 20 décembre 2023. Entretien avec celui qu’on a surnommé par ses pairs « domestique national ».
Q/ De la société civile vous basculez à la politique. A quel moment vous vous êtes dit « je me lance » et qu’est-ce qui a motivé cette réorientation de votre action ?
Jean-Felix Mwema : J’ai été de par ma formation, prédisposé à occuper des fonctions politiques. Je suis consultant certifié et diplômé dans le domaine de la gouvernance. J’ai créé des initiatives qui ont permis de former des milliers de jeunes au leadership, jeunes qui aujourd’hui ont créé et dirigent des initiatives locales. Mais après des années sur le terrain, j’ai constaté que l’écosystème dans lequel nous évoluons nécessitait que les acteurs du développement soient présents là où se prennent les décisions pour influer sur les politiques publiques et les faire correspondre à la réalité du terrain.
Il est clair que si je m’engage aujourd’hui, c’est le résultat et la conséquence de toutes ces interactions qui, tout au long de mon parcours, ont fondé chez de nombreux jeunes notamment, l’assurance que je suis, une personne qualifiée pour porter leurs revendications dans les instances où, leurs problèmes sont abordés, car parler des jeunes sans les jeunes eux-mêmes, ne permet généralement pas de faire bouger les lignes. Mais je dois avouer que ça n’a pas été une décision facile à prendre. Il m’a fallu du temps, de la réflexion et trop d’hésitations pour finalement franchir le pas.
Quelle que soit sa forme, mon engagement a toujours été motivé par le désir de voir un Congo où chaque Congolais joue pleinement son rôle et contribue au vivre ensemble. De ce point de vue, je ne considère pas que c’est totalement une réorientation de mon action mais plutôt un prolongement de mon action pour plus d’impact.
Q/ Vous vous engagez sous la bannière d’Alternative pour un Congo nouveau. Parlez-nous brièvement de votre plateforme, les valeurs qui vous ont conduit à y adhérer …
JFM : Je m’engage sous la bannière du Parti politique Alternative Citoyenne. Alternative Citoyenne (AC) nous rappelle l’urgence de donner une nouvelle direction à notre pays afin de concrétiser les aspirations de nos Pères de l’indépendance, à savoir : bâtir une nation dynamique, bienveillante et démocratique, au sein de laquelle chaque individu est valorisé et participe activement à façonner son avenir et celui de la collectivité. Nous croyons fermement en une vision de la société selon laquelle chaque citoyen joue efficacement le rôle qui est le sien. AC-CONGORDC prône une démocratie citoyenne qui invite à une participation active des citoyens et oui, je partage totalement les idéaux et valeurs d’Alternative Citoyenne qui est issu d’un courant porté par des activistes et citoyens engagés de la société civile actifs depuis des décennies.
Q/Vous êtes donc un mouvement de l’opposition ?
JFM: Nous sommes un mouvement qui s’oppose au système prédateur qui s’est installé dans notre pays depuis son indépendance. Ce système est incarné par des acteurs qui sont dans tous les camps identifiés aujourd’hui, de l’opposition comme du pouvoir. Nous sommes donc un mouvement de l’opposition au système mais pas un mouvement qui se reconnaît dans l’opposition que vous connaissez.
Q/ Pourquoi avoir stoppé cet élan d’entrepreneur social initiatives sociales remarquables à votre actif pour passer sur terrain où il est plus complexe de traduire ses idées en actions concrètes ?
JFM: Je pense que je serai toujours un entrepreneur social et je revendique le droit de continuer à m’identifier comme un entrepreneur social. Je suis convaincu que c’est un plus pour ma carrière politique que je ne pense pas incompatible d’ailleurs. Toutes les initiatives sociales que j’ai initiées vont continuer. Elles doivent également continuer pour nous rappeler d’où nous venons et où nous avons toujours voulu aller.
Q/Le congolais a une image peu reluisante des acteurs passés de la société civile à la politique et les exemples étayant cela sont légion. Que répondez-vous à ce constat maintenant que vous choisissez cette voie
JFM : Être acteur de la société civile n’est malheureusement pas une garantie d’intégrité. Le Congo dans son ensemble souffre de ces Hommes. Cependant, je crois que des personnes intègres le Congo en compte et j’espère en faire partie. Nous avons choisi d’être différents, de faire la politique différemment et nous invitons les Congolais à attendre et à exiger de nous uniquement le meilleur. Les Congolais m’ont vu à l’action pour mon pays et je vais continuer à œuvrer pour l’intérêt des congolais.
Q/ Quelles seront vos priorités de votre action politique au regard de multiples défis de la RDC ?
JFM : L’éducation globalement et particulièrement l’éducation civique/citoyenne, la gestion de l’environnement avec un accent particulier sur l’assainissement urbain, l’emploi avec un accent sur l’entrepreneuriat des jeunes seront naturellement les priorités de mon action politique. Je pense qu’il nous faut une meilleure protection sociale des enseignants, des militaires et policiers, des travailleurs dans l’ensemble et nous travaillerons à améliorer les mécanismes existants en les adaptant aux réalités du terrain.
Q/ La jeunesse en RDC se revendique depuis bien d’années comme alternative face à la mauvaise gouvernance de la classe politique dirigeante. La jeunesse peut-elle être gage de changement ?
JFM : Il est vrai que l’âge ne garantit pas l’aptitude à apporter le changement, et certains jeunes peuvent être inefficaces ou même nuisibles en tant qu’acteurs politiques. Cependant, cela ne signifie pas que les jeunes ne doivent pas s’engager dans la politique ou dans le processus de changement. En effet, les jeunes apportent souvent une perspective différente et innovante qui peut aider à résoudre des problèmes complexes de manière créative. Ils sont de ce point de vue, une alternative naturelle mais doivent se confirmer comme une alternative crédible. Être jeune est un atout mais certainement pas le seul atout.
Pour ma part, je ne me présente pas que comme jeune ou comme le candidat des jeunes uniquement. Je m’inscris dans l’optique de l’Espoir qu’il faut redonner aux masses, en travaillant pour garantir des conditions de vie proportionnelle à nos ressources. Je suis convaincu que je possède outre ma jeunesse d’autres atouts importants pour véritablement servir nos populations et je suis membre d’un parti porteur d’une offre politique cohérente.
Q/ La RDC est un pays à la traîne au regard des évolutions de notre époque vu son potentiel développement. Au-delà des clivages, quels devraient être selon vous le leitmotiv d’un jeune congolais qui s’engage en politique aujourd’hui.
JFM : Un jeune congolais engagé en politique devrait avoir une vision claire et ambitieuse du progrès pour le pays. Il devrait s’efforcer de promouvoir des politiques et des initiatives qui favorisent le développement économique, social et environnemental de la RDC en étant au-dessus des clivages. Un engagement politique responsable implique d’être un leader exemplaire, qui agit avec intégrité, transparence et responsabilité. Un jeune congolais devrait chercher à incarner ces valeurs et à susciter la confiance de la population. La RDC fait face à des défis majeurs en matière de corruption. Un jeune congolais engagé en politique devrait s’engager fermement à lutter contre ce fléau, en promouvant la transparence, la reddition des comptes et la bonne gouvernance.
Q/ Quel homme politique encore vivant en RDC vous inspire comme modèle aujourd’hui ?
JFM : Il est très difficile d’en détacher un seul. Pour des raisons différentes, j’essaie de puiser ce qui est bon dans plusieurs politiques congolaises.
Q/ Faites-vous confiance au processus électoral en cours ?
JFM : C’est une question qui suscite souvent des débats animés et passionnés. La confiance dans le processus électoral dépend de nombreux facteurs, tels que la transparence, l’impartialité et la légitimité des institutions chargées d’organiser les élections. Cependant, la confiance ne se limite pas seulement à croire en la perfection du processus électoral, car il peut y avoir des défis et des imperfections. Il est plutôt question de travailler à améliorer continuellement notre système électoral et à renforcer la confiance des citoyens. La confiance dans le processus électoral en cours dépend donc de la manière dont les principes démocratiques sont respectés et mis en pratique. Il est important de rester vigilant, et de faire entendre sa voix pour contribuer à l’amélioration continue du processus électoral.
Q/ A l’approche des échéances électorales proprement dites, que faut-il pour garantir une suite apaisée de ce processus ?
JFM : La question de la crédibilité du processus électoral est en effet cruciale, car elle influence la confiance de l’opinion publique et des acteurs politiques. Il est compréhensible que les débats et les inquiétudes surgissent à ce stade du processus électoral. Un accès équilibré des acteurs et un traitement objectif des informations sur le processus par les médias publics et privés contribuera à promouvoir une atmosphère sereine et apaisée.
Q/ Un dernier mot pour finir ?
JFM : Tout ce que j’ai entrepris comme acteur de la société civile, je l’ai fait pour contribuer à la construction d’un Congo dont nous pouvons tous être fiers. Aujourd’hui que je suis engagé politiquement, je voudrais continuer à travailler pour l’intérêt général. L’électorat peut attendre de moi d’être un citoyen ordinaire proche des autres citoyens, sensible aux problèmes des congolais. Ce que j’attends de l’électorat c’est qu’il soit avec moi sur ce chemin, qu’il mène ce combat avec moi car c’est seulement ensemble que nous allons y arriver.