La course des jeux olympiques et paralympiques a pris fin. Mais la « Course contre la honte » reste d’actualité. C’est le titre d’un roman qui vient de paraître dans la bibliothèque congolaise. Captivante et poignante, cette fiction permet à Reinette Mulonda, son auteure, de signer son entrée dans le florilège des écrivains congolais.
Ce joyau, publié aux éditions Mesdames, est parmi les œuvres qui ont retenu l’attention ce vendredi 13 septembre à la deuxième journée de la grande rentrée littéraire organisée par le Centre Wallonie-Bruxelles. Dans ce cadre, l’auteure a pris part à la rencontre et partage avec les nouvelles voix féminines de la littérature congolaise.
Lauréate du prix Zamenga en 2019, grâce à une nouvelle intitulée Fioti (en kikongo), ce médecin de formation, énarque et administrateur civil ne se sent mieux qu’en écrivant. Elle s’est confiée à cœur ouvert à une série de questions réponses sur son livre et son parcours, avant son vernissage prévu le 20 septembre prochain. Interview
KinshasaTimes : Vous êtes médecin, Administrateur civil, qu’est-ce qui vous a poussé à vous frayer une place dans le monde des écrivains ?
Reinette Mulonda : Il faut dire que le monde des écrivains, c’est un peu ma vie. J’ai l’habitude de dire que tout ce que je fais en amont, c’est mon gagne-pain. L’écriture, c’est ma passion, c’est un peu mon oxygène. C’est quelque chose que je fais depuis des dizaines d’années qui me permet d’exister, de m’évader, qui me permet de dire les choses par moi-meme.
KT : Pourquoi la course contre la honte ?
RM : j’ai écrit Course contre la honte qui est mon premier roman, après une nouvelle déjà écrite et éditée au niveau du prix littéraire Zamenga. “La course contre la honte”est un voyage, parce que nous sommes dans une culture où l’honneur et la dignité sont très importants. C’est aussi un voyage dans le quotidien de beaucoup des femmes qui mènent pour la plupart une course à se conformer aux critères que la société leur a imposé.
KT : Cette œuvre a un lien avec l’histoire de votre vie ?
RM : Je dirai non. En tant qu’auteur, je me décrirai comme un paysagiste. Je vois les faits, j’observe les faits, et je crée de la fiction, mais basée sur des observations du quotidien. C’est un peu ça qui a permis de créer Contre la honte. On est vraiment dans un monde totalement fictif, mais cette fiction-là est teintée d’une observation de notre quotidien.
KT : le titre de votre roman est puissant et évocateur. Que représente la honte pour vous et pourquoi pensez-vous qu’il est important de lutter contre elle ?
RM : Le titre est évocateur, oui. Les humains, en général, sont versés en permanence dans une quête de la noblesse et de la dignité. Et la honte représente, surtout dans la culture bantoue, quelque chose de très important. Nous avons une culture fortement liée à l’honneur et « la course contre la honte », c’est un peu ce que nous faisons au quotidien dans notre environnement. Nous essayons de prouver que nous sommes les meilleurs, nous avons atteint un certain standing. En fait, nous avons une quête en permanence pour être nobles et être considérés dans la société comme des personnes ayant réussi.
KT : Pourrions-nous savoir qui est le personnage principal de votre roman et y a-t-il un lien entre son parcours et le vôtre ?
RM : pour ne pas spoiler le livre, vous verrez qu’il n’y a pas un seul individu qui réalise une course contre la honte, mais un ensemble de personnages. Le personnage principal de mon livre, désolé, est une femme. Il faut dire que je suis une passionnée des questions des femmes. J’aime énormément les femmes. Et j’écris toujours au féminin. Le personnage principal de mon livre est une femme qui se nomme Raissa Kundaza. Elle n’est pas inspirée de moi, mais en elle se retrouvent beaucoup de femmes. Et en elle, la plupart des femmes qui liront mon livre se retrouveront.
KT : Écrire un premier roman est souvent un processus long et intense. Quels ont été les plus grands défis que vous avez rencontrés en écrivant « Lutte contre la honte » ?
RM: je vous assure, écrire un roman dans notre contexte congolais, c’est compliqué. C’est un peu comme les douze travaux d’Hercule. L’industrie de l’édition chez nous, c’est très compliqué. Et le premier défi de chaque auteur, c’est vraiment celui-là, de se faire éditer. Chaque auteur vous dira que lorsqu’il tient son livre en ses mains, vous avez un sentiment d’accomplissement, mais vous en gardez aussi beaucoup de blessures. Il y a beaucoup de dépenses financières que vous avez faites individuellement. C’est beaucoup de défis en tout cas. Et nous espérons, dans les jours qui viennent, l’industrie de l’édition de notre pays va se développer comme ailleurs.
KT : À qui s’adresse votre roman ? Aviez-vous un public spécifique en tête en l’écrivant, et que souhaitez-vous que vos lecteurs retirent de cette lecture ?
Mon roman, il s’adresse à tout le monde, à l’homme, à la femme, à toute notre société. Il s’adresse à une maman, un papa, à la jeune fille, à la femme accomplie, à l’étudiante, même à l’élève. En fait, toute la société est concernée par le sujet qui est peint dans mon roman.
KT : le processus de publication peut être intimidant pour une nouvelle auteure. Comment avez-vous vécu ce parcours, de l’écriture à la publication ?
RM : Beaucoup d’abnégation pour se dire, on garde en tête le but. Le but était de se faire hésiter. Et alors, peu importe le nombre de portes qui se ferment, on n’a pas arrêté d’en frapper jusqu’à trouver la bonne porte.
KT : conseil donneriez-vous à ceux qui, comme vous, cherchent à transformer leurs expériences personnelles en une œuvre littéraire ?
RM : Il faut beaucoup de courage et un geste de passion pour devenir auteurs dans notre contexte congolais. Avec ces deux, on arrive toujours à ses fins.