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« La rébellion reflète les aspirations du peuple » : quand l’alliance Fayulu-Kabila s’embourbe dans ses contradictions

Alors qu’il avait longtemps dénoncé Joseph Kabila comme l’un des fossoyeurs de la démocratie congolaise, Martin Fayulu a officialisé une alliance politique avec l’ancien président. Une décision qu’il justifie par la volonté de mettre fin aux massacres dans l’Est du pays, alors même que Kabila est aujourd’hui accusé d’en être un acteur clé. Décryptage. Martin […]

Alors qu’il avait longtemps dénoncé Joseph Kabila comme l’un des fossoyeurs de la démocratie congolaise, Martin Fayulu a officialisé une alliance politique avec l’ancien président. Une décision qu’il justifie par la volonté de mettre fin aux massacres dans l’Est du pays, alors même que Kabila est aujourd’hui accusé d’en être un acteur clé. Décryptage.

Martin Fayulu face à ses contradictions : de la dénonciation à l’union

Pendant des années, Martin Fayulu s’est illustré comme l’un des opposants les plus virulents de l’ancien président Joseph Kabila, qu’il tenait pour principal artisan du chaos institutionnel et sécuritaire en République démocratique du Congo (RDC). Cette posture constante lui avait valu un capital politique considérable, notamment après les élections de 2018, qu’il revendique toujours avoir remportées. Pourtant, depuis plusieurs mois, des soupçons ont émergé autour d’un rapprochement stratégique entre lui et Joseph Kabila, brouillant la lisibilité de son engagement et provoquant une onde de choc parmi ses partisans.

Des explications qui peinent à convaincre

Ces rumeurs ont commencé à prendre de l’ampleur à la suite d’une déclaration politique commune signée en novembre 2024 par Martin Fayulu, Joseph Kabila, Moïse Katumbi et Delly Sessanga. Ce front uni s’était alors positionné contre toute tentative de révision constitutionnelle visant à prolonger le mandat de Félix Tshisekedi. Si la démarche paraissait, à première vue, dictée par une volonté de sauvegarder les acquis démocratiques, elle a immédiatement été interprétée par certains observateurs comme une alliance de circonstance, masquant des ambitions partagées.

Interpellé sur cette question, notamment lors de son interview du 4 mai 2025 sur France 24, Martin Fayulu a tenté de dissiper les ambiguïtés. À la journaliste qui lui demandait pourquoi il s’était lié à Kabila après l’avoir qualifié pendant des années de « problème central de la RDC », Fayulu a répondu qu’il s’agissait d’une alliance patriotique. Il a affirmé avoir signé le même document que Kabila « pour stopper les tueries et les massacres » dans l’Est de la RDC. Pour lui, l’union devait transcender les divergences passées au nom de la paix et de l’intérêt supérieur du peuple congolais.

« La rébellion reflète les aspirations du peuple »

Mais cette justification se heurte aujourd’hui à une réalité politique bien plus sombre. En effet, Joseph Kabila, avec qui Martin Fayulu affirme s’être allié pour mettre fin aux violences, est lui-même accusé d’être au cœur de ces violences. Le président Félix Tshisekedi a publiquement désigné Kabila comme le « parrain » de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), une coalition rebelle comprenant le M23, qui sème la terreur dans l’Est du pays. Cette accusation, d’abord démentie par les proches de Kabila, a ensuite été confirmée de façon implicite par l’intéressé lui-même.

Dans une tribune relayée par la presse, Joseph Kabila a déclaré que la rébellion menée par l’AFC/M23 « reflète les aspirations du peuple congolais ». Cette prise de position a été perçue comme un aveu de soutien politique, sinon logistique, à la rébellion. Peu après, l’ancien président a annoncé son retour en RDC par la ville de Goma, cœur stratégique de la zone de conflit. Son déplacement, entouré de discrétion, a été suivi d’un retour nocturne précipité, après l’annonce par le gouvernement de poursuites judiciaires pour crimes de guerre et soutien à une insurrection armée.

Un pacte qui fragilise Fayulu

Ce retournement de situation place Martin Fayulu dans une position extrêmement délicate. En s’alliant avec Kabila au nom de la paix, il se retrouve désormais lié à un homme que l’État congolais accuse officiellement d’alimenter les massacres qu’il prétendait vouloir stopper. La contradiction est flagrante : comment justifier une alliance de paix avec un acteur présumé central du chaos ? Pour de nombreux Congolais, cette incohérence sape la crédibilité morale de Fayulu et compromet sérieusement son image de « résistant » face à l’ordre établi.

En outre, les exactions commises par l’AFC/M23, souvent en complicité avec le Rwanda voisin, sont largement documentées : massacres de civils, recrutement d’enfants soldats, occupation de zones minières, déplacements massifs de populations. L’idée que l’un des symboles de l’opposition congolaise ait contracté un pacte, même indirect, avec le protecteur politique de ces forces rebelles, apparaît pour beaucoup comme une dissonance douloureuse dans le récit de la lutte démocratique congolaise.

Le besoin de clarification

Dans un tel contexte, il serait sans doute souhaitable, voire salutaire, que Martin Fayulu clarifie publiquement sa position. Soit il défend les populations de l’Est massacrés, soit il fait la promotion de ces massacres. C’est-à-dire, soit prendre ses distances avec un Joseph Kabila sur qui pèsent des sérieux soupçons, soit il embrasse pleinement son allié tout en disant au et forts au famille de l’Est et à la nation toute entière endeuillée que : je m’en fous ! Dans une période aussi sensible pour l’avenir du pays, une posture limpide, même inconfortable, contribuerait à restaurer une forme de cohérence politique attendue par une partie de l’opinion.

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