Dans le quartier Katindo en commune de Goma, Béatrice Kassay, mère de deux enfants, allaite encore son bébé de neuf mois. « Je continue parce que je sens qu’il en a besoin, surtout la nuit. Mais ma belle-famille me dit souvent que je devrais déjà arrêter. Ce n’est pas facile de faire le choix », confie-t-elle.
Selon les médecins, pourtant, la science est claire. Le docteur Mumbere Jonathan, pédiatre à l’hôpital provincial de Goma, rappelle : « Le lait maternel reste une source essentielle de nutriments et d’anticorps même après 6 mois. L’OMS recommande l’allaitement jusqu’à deux ans, avec l’introduction progressive d’aliments solides. »
Un avis partagé par les nutritionnistes qui constatent que, dans un contexte marqué par l’insécurité alimentaire, le lait maternel reste un rempart contre la malnutrition infantile. « Arrêter trop tôt expose l’enfant à des carences et à des maladies fréquentes », ajoute la nutritionniste Grâce Kavira du programme national de nutrition (Pronanut).
Mais les défis restent nombreux. D’après les chiffres du Pronanut, à Goma, la majorité des mères arrêtent l’allaitement autour de 9 à 12 mois, souvent faute d’informations ou sous l’influence des coutumes. « Certaines familles pensent qu’au-delà de 6 mois, le lait maternel perd sa valeur, ce qui est faux », souligne un agent d’une ONG de santé communautaire.
Pour les leaders communautaires, la solution passe par l’éducation. « Nos traditions sont fortes, mais nous devons aussi écouter la science. Les mères doivent comprendre qu’allaiter plus longtemps, c’est investir dans l’avenir de l’enfant », insiste Mama Esther Yereyere, une grand-mère respectée dans le quartier Mabanga Sud en commune de Karisimbi.
Entre science et culture, le débat reste ouvert, mais une certitude se dégage : à Goma, le lait maternel après six mois demeure un trésor vital.