Avant propos
Par Keiichi OKITSU Représentant Résident JICA RD Congo et Rép. du Congo.
La JICA mène des actions intégrées en République démocratique du Congo et en République du Congo, axées sur le renforcement de la sécurité humaine. En RDC, elle soutient la lutte contre les maladies infectieuses, la réforme de la police, la formation professionnelle, le développement des infrastructures et la préservation de l’environnement. En RC, elle appuie la pêche artisanale, la riziculture (CARD) et l’autonomisation des petits exploitants horticoles (SHEP), tout en renforçant les chaînes de valeur agricoleset halieutiques. Ces initiatives visent une croissance inclusive et durable dans les deux pays.
Message du Président de la JICA, TANAKA Akihiko
Alors que la 9ème Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD9) se tient à Yokohama, le monde tourne une fois de plus son regard vers l’Afrique — un continent riche en diversité, en résilience et en promesses. Cette conférence intervient à un moment crucial, marqué par des défis mondiaux tels que le changement climatique, la fragmentation géopolitique et les inégalités économiques. La TICAD 9 offre une plateforme essentielle pour réimaginer la coopération au développement, fondée sur le respect mutuel, l’innovation et le partenariat stratégique en plaçant au cœur de cette vision, la jeunesse africaine .
En effet, d’ici 2050, une personne sur quatre dans le monde sera africaine. Ce changement démographique représente une opportunité historique : une « dividende démographique » portée par une main-d’œuvre jeune et dynamique. Mais ce potentiel ne pourra être réalisé que par des investissements soutenus dans l’éducation, la santé et la création d’emplois. Sans cela, les mêmes forces démographiques pourraient aggraver la pauvreté et l’instabilité.
La vision de la JICA : développement endogène et sécurité humaine
Depuis le lancement de l’Aide Publique au Développement (APD) du Japon en 1954, l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) a œuvré dans plus de 190 pays, soutenant le développement à travers les infrastructures, la formation des ressources humaines et la coopération technique. L’APD japonaise, dirigée par la JICA, a longtemps défendu le principe du « développement endogène ». Cette approche vise à autonomiser les communautés locales afin qu’elles trouvent leurs propres solutions, plutôt que de leur imposer des modèles extérieurs. Les programmes de la JICA en Afrique illustrent bien cette philosophie.
La Coalition pour le développement du riz en Afrique (CARD), lancée lors de la TICAD 4 en 2008, a permis de doubler la production du riz sur le continent en une décennie. Aujourd’hui étendue à 32 pays, la CARD vise à doubler à nouveau la production pour atteindre 56 millions de tonnes d’ici 2030, transformant l’Afrique en une région autosuffisante sur le plan alimentaire.
D’autres initiatives comme la SHEP (Promotion et autonomisation de l’horticulture des petits exploitants) et le KAIZEN (méthode d’amélioration de la productivité inspirée des pratiques japonaises) ont permis aux agriculteurs et aux travailleurs d’améliorer leurs moyens de subsistance et productivité avec des ressources limitées. Ces programmes sont désormais dirigés par des formateurs africains, diffusant un développement durable à travers le continent.
La sécurité humaine est, quant à elle, le principe fondamental de toutes les actions de la JICA. Ce principe a été réaffirmé dans la Charte révisée de la coopération au développement du Japon en 2023 qui appelle à garantir que chaque individu soit à l’abri de la peur ( du danger) et du besoin, et qu’il puisse vivre dans la dignité. Dans un monde confronté à des crises multiples, ce principe est plus pertinent que jamais.
Innovation et entrepreneuriat : une nouvelle ère de collaboration
La jeunesse africaine n’est pas seulement bénéficiaire, elle est aussi innovatrice. Partout sur le continent, de jeunes entrepreneurs utilisent les technologies numériques pour résoudre des problèmes locaux et lancer des startups. En réponse, la JICA a lancé en 2020 le projet NINJA (Next Innovation with Japan), qui connecte des startups africaines à des investisseurs et experts japonais. En 2025, la JICA a signé son premier accord de don avec le Nigeria pour soutenir des startups locales, marquant une nouvelle étape dans la collaboration en matière d’innovation entre l’Afrique et le Japon.
Lors de la TICAD 9, la JICA dévoilera l’initiative IDEA (Impact Investing for Development of Emerging Africa) conçue pour mobiliser des capitaux privés en faveur du développement socio-économique et de l’action climatique. En complément, le gouvernement japonais a modifié la loi sur la JICA en avril 2025, permettant à l’agence de prendre des risques financiers pour catalyser les investissements privés, une première dans l’histoire de la coopération japonaise.
Échanges : bâtir la confiance et un avenir commun
Les échanges humains sont au cœur du partenariat Afrique-Japon. Depuis 2013, l’initiative ABE (African Business Education Initiative for Youth) a permis à plus de 1 900 étudiants africains d’étudier au Japon et de faire des stages dans des entreprises japonaises. Une ancienne participante remarquable est Mme Pelonomi Moiloa, fondatrice sud-africaine de “Lelapa AI”, qui développe des technologies linguistiques pour les langues africaines. Son travail lui a valu une place dans le classement TIME des 100 talents de l’IA (Intelligence Artificielle) en 2023.
S’appuyant sur l’ABE, la JICA lancera TOMONI Africa à la TICAD9. « Tomoni » signifie « ensemble » et « amis » en japonais, symbolisant l’esprit d’apprentissage mutuel et de collaboration. TOMONI Africa élargira les échanges face-à-face entre jeunes africains et japonais, favorisant les amitiés et les projets communs.
Cet esprit est déjà bien vivant. En mai 2025, la JICA et le lycée Sapporo Kaisei ont organisé le “Japan-Africa Youth Camp”, réunissant 300 élèves japonais et 20 jeunes africains pour discuter de culture, de développement et de coopération future. Ces interactions brisent les barrières et construisent une compréhension durable.
Volontariat et multilatéralisme : un héritage de partenariat
Depuis 1965, plus de 16 000 Volontaires Japonais de la Coopération Internationale (JOCV) ont servi en Afrique, contribuant dans des secteurs allant de l’éducation à l’agriculture. Beaucoup reviennent au Japon avec un nouvel élan, créant des entreprises sociales et revitalisant leurs communautés. Mme TSUBOI Aya en est un exemple patent. Elle a fondé SUNDA Technology après son service en tant que JOCV en Ouganda. Son système de paiement de l’eau basé sur l’IoT (Internet of Things) assure un accès durable à l’eau potable en Afrique et a été reconnu par Forbes Japan NEXT 100 en 2023.
Le format multilatéral de la TICAD, réunissant gouvernements, société civile et organisations internationales, reste une clé de son succès. Le partenariat de la JICA avec le Secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA), signé en 2022, vise à créer une zone commerciale unifiée. La JICA soutient également le développement des corridors économiques et les postes de contrôle juxtaposé pour faciliter le commerce.
Au-delà de l’Afrique, la JICA favorise la coopération triangulaire avec des pays comme l’Égypte et le Brésil, afin de partager leur expertise à travers les continents. En 2024, la JICA et l’Indonésie ont signé un mémorandum pour soutenir conjointement le développement africain, illustrant le potentiel croissant de la collaboration Sud-Sud.
Un avenir commun fondé sur le respect et la co-création
L’Afrique est à la croisée des chemins. Ses défis liés à la pauvreté, aux conflits, et à la gouvernance sont réels. Mais ses opportunités concernant la jeunesse, l’innovation et la résilience sont toutes aussi puissantes. Ainsi, pour le Japon, s’engager avec l’Afrique n’est pas un acte de charité, mais un investissement stratégique dans un avenir partagé.
Alors que TICAD9 est lancée, le message est clair : « l’Afrique et le Japon peuvent co-créer des solutions aux défis mondiaux ». Guidé par la sécurité humaine, porté par la jeunesse et fondé sur le respect mutuel, ce partenariat offre un modèle de développement inclusif et durable. L’avenir n’est pas quelque chose à recevoir. C’est plutôt quelque chose à construire, ensemble.