À Goma, le journaliste Bahati Wakahasha Jérémie, de la Radio Télévision Chrétienne Porte Étroite (RTCPE), a été enlevé le 25 mai 2025 par des combattants du mouvement rebelle AFC/M23. Il a passé 18 jours dans un cachot situé dans l’enclos de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu, où il a été interrogé à répétition au sujet d’une information qu’il avait partagée concernant la disparition d’un chef local du groupement de Munigi. Son enlèvement témoigne de la pression directe exercée par les groupes armés sur la presse.
Quelques mois plus tôt, un autre journaliste, Ricardo Olenga de la Radio Kako FM, a été arrêté par les services de renseignement du même mouvement rebelle pour avoir diffusé une vidéo virale dénonçant l’enrôlement forcé des jeunes dans les zones sous contrôle de l’AFC-M23. Il a été détenu dans les mêmes cachots que d’autres journalistes arrêtés dans le cadre de reportages jugés « hostiles » par les rebelles.
Au-delà des rebelles, les autorités congolaises sont également pointées du doigt. Le journaliste Zachée Mathina, correspondant de l’Agence Congolaise de Presse à Beni, a été contraint d’entrer en clandestinité depuis le 14 août 2025 après avoir dénoncé sur son compte X un détournement présumé de 1,25 million de dollars liés à la construction de la rue Jumulani. Il affirme craindre pour sa vie après des menaces attribuées au gouverneur militaire du Nord-Kivu, le Général-Major Kakulé Somo Evariste.
Les témoignages de journalistes contraints de fuir sont multiples. Valery Mukosasenge, directeur du média en ligne Larepublique.net et Président de la Commission de discipline de l’Union nationale de la presse du Congo (Unpc/Nord-Kivu), raconte comment il a été inquiété par les proches de Corneille Nangaa Chef de l’AFC M23 après avoir tenu une conférence de presse affirmant qu’aucun journaliste de Goma n’a rejoint le mouvement rebelle. « Tous n’étaient plus journalistes ,car ils occupaient déjà des postes politiques » avaient-ils dit en citant Magloire Paluku et Delion Kimbulungu qui avaient rejoint l’AFC M23. Il a dû quitter Goma dans l’urgence et se réfugier à Beni pour échapper à ces attaques, symbole d’un climat où les journalistes sont régulièrement pris pour cibles par les autorités ou les groupes armés.
Un autre journaliste, Daniel Michombero, rapporte avoir quitté la ville de Goma après une intensification des menaces liées à ses reportages sur les exactions commises par les groupes armés. Sa fuite témoigne du niveau de risque encouru par les journalistes couvrant les conflits et les crises humanitaires dans l’Est du pays, où être reporter revient à naviguer entre les violences des groupes armés et les pressions des autorités.
Ces cas récents illustrent parfaitement les constats du rapport JED; le journalisme indépendant en RDC est devenu un métier d’exposition, dans un contexte où l’impunité règne et où les dispositifs légaux censés protéger les journalistes restent inopérants. L’absence de publication de la nouvelle loi sur la presse au Journal officiel rend les professionnels encore plus vulnérables, tandis que les agressions, détentions illégales et menaces directes se multiplient.
Face à ce climat explosif, JED alerte : sans une protection réelle des acteurs médiatiques, sans enquêtes transparentes sur les cas de journalistes tués ou détenus, et sans volonté politique de garantir un espace médiatique libre, la RDC risque de plonger davantage dans un silence dangereux où la peur étouffe l’information.

