Ville résiliente par excellence, Goma a su se relever des éruptions volcaniques et des guerres à répétition pour devenir aujourd’hui un foyer bouillonnant de talents. Sa vitalité culturelle et artistique attire de plus en plus l’attention dans toute la région des Grands Lacs, portée par une jeunesse déterminée à transformer l’adversité en opportunité. Sauti ya Mitindo s’inscrit dans cette dynamique de renouveau et entend offrir une scène d’expression aux créateurs et créatrices locaux.

À l’origine de cette initiative se trouve Sifa Aline Ndaliko, styliste et modéliste de 25 ans, native de Goma. Formée entre la Tanzanie et Kinshasa, elle a fait le choix audacieux de revenir au pied du volcan Nyiragongo pour mettre son savoir-faire au service de sa communauté. Fondatrice et CEO de l’Alinda Fashion Academy, elle a créé un atelier-école devenu un symbole fort de résilience et d’autonomisation féminine dans l’est de la RDC. À ce jour, plus de 70 jeunes filles et femmes y ont été formées aux métiers de la mode, leur permettant de sortir de la précarité financière dans un contexte marqué par la guerre.
L’impact de cette initiative se lit dans les parcours de vie qu’elle transforme. Mme Alice, l’une des bénéficiaires, témoigne avec émotion : « Je me suis retrouvée assise sur le même banc que des jeunes filles, apprenant la corseterie à la main et bien d’autres techniques. Cette jeune femme a changé ma vie. » L’académie attire désormais des apprenant(e)s venus du Nord-Kivu, de l’Ituri, du Sud-Kivu et même de pays voisins, faisant de Goma un véritable carrefour régional de formation artistique.
Pour Sifa Aline Ndaliko, la création ne doit pas s’arrêter face à la guerre. « Ce n’est pas parce que nous sommes en guerre que tout doit s’arrêter. Ce n’est pas facile, nous travaillons avec nos propres moyens. Il n’y a pas encore de grands financements, mais nous faisons avec ce que nous avons », confie-t-elle. Une philosophie de persévérance qui trouve un écho favorable auprès des acteurs culturels locaux.
Samuel Abiba, journaliste engagé et chargé de l’organisation du festival, se souvient de leur première collaboration en 2019 à l’Institut Supérieur des Arts et Métiers (ISAM-Goma). « Sifa était déjà une étudiante intelligente et novatrice. Aujourd’hui, je suis convaincu de ne pas m’être trompé en marchant à ses côtés. Son engagement pour la culture et pour faire entendre la voix des opprimés est un pas immense pour l’avenir de notre région », affirme-t-il.
Avec Sauti ya Mitindo, Goma ne se contente pas de célébrer la mode. La ville affirme que l’art, la culture et l’autonomisation des femmes peuvent devenir de puissants leviers de transformation sociale, même dans les contextes les plus fragiles. Ce festival se présente ainsi comme un message d’espoir, une vitrine du potentiel créatif congolais et un appel à la reconnaissance internationale du talent qui émerge de l’est de la République démocratique du Congo.

