Le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (Lucha) a dans son communiqué de presse de ce jeudi 12 août, revenu sur l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri.

Dans ce document, la Lucha indexe une mesure sans résultats escomptés, depuis son instauration en mai dernier, par le président de la République. Cela malgré les efforts financiers y consentis, et exige sa levée pure et simple.

« Trois mois après la déclaration de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, la violence venant des groupes armés négatifs et des éléments de l’armée s’est intensifiée, les droits des citoyens sont de plus en plus piétinés et l’administration locale est complètement à l’arrêt », fait remarquer le mouvement citoyen.

Plaçant un mot sur le bilan de létat de siège, le mouvement pro-démocratie indique que depuis son instauration le 06 mai 2021, au moins 533 personnes ont été tuées dans les deux provinces, soit une moyenne de 6 civils tués par jour.

La Lucha soutient que malgré l’état de siège, les FARDC, sont toujours rongées par ce qu’il appelle « affairisme » ainsi que le manque de soutien logistique et financier conséquent, de la part du gouvernement. Ce qui fait que les FARDC ne font « qu’assister impuissamment aux tueries des civils qui, à ce jour s’étendent aux zones géographiques qui étaient jadis calmes ». C’est le cas de la localité de Kalunguta, en territoire de Beni, qui a subi sa toute première attaque meurtrière le 15 juillet 2021, depuis le début des tueries de Beni, en octobre 201, ou encore la ville de Beni, qui a à nouveau été attaquée le 01 juillet 2021, après près de 15 mois d’une relative accalmie.

Concernant les droits humains, la Lucha note qu’il s’observe une hausse inquiétante des violations des droits de l’homme.
 » La restriction forte de l’espace civique, ainsi que des difficultés d’accès à la justice depuis, l’instauration de l’état de siège. Les membres des services de sécurité se croient désormais tout permis et n’hésitent pas d’arrêter, de torturer, d’imposer des frais illégaux aux citoyens, pour des faits non infractionnels. Les libertés publiques sont carrément mises en veilleuses et toutes les voix discordantes sont vigoureusement réprimées par un puissant arsenal militaire, visiblement préparer à taire toute protestation contre la persistance de l’insécurité plutôt que taire l’insécurité elle-même », regrette-t-on.

Au plan judiciaire, le mouvement citoyen soutient que les tribunaux militaires, désormais habilités à juger les civils pour toute infraction, sont très peu nombreux sans moyens ni personnel suffisants, et ne présentent pas suffisamment de garanties d’une justice équitable, indépendante, rapide et impartiale.

Cela s’explique, selon la Lucha par le fait que les détentions préventives prolongées sont ainsi devenues la « norme », en raison des capacités opérationnelles très limitées de la justice militaire. En ce qui concerne la gouvernance locale, la Lucha explique que l’état de siège a complètement normalisé le dysfonctionnement de l’Etat, paralysé l’administration et bloqué les initiatives de développement local, en ordonnant le remplacement des dirigeants civils par des militaires qui ne sont ni formés, ni destinés à administrer les entités territoriales.

« Au Nord-Kivu comme en Ituri, il s’observe une tendance dangereuse à focaliser les actions de gouvernance vers des initiatives d’enrichissement des nouvelles autorités sur le dos des paisibles citoyens, dont le pouvoir économique a été largement affaibli par des années de conflit. Le fait que les activités des Assemblées provinciales soient suspendues pendant l’état de siège et que les libertés publiques soient très largement surveillées compromet toute initiative de contrôle de la gouvernance des dirigeants militaires, et accroit le risque sérieux de prédation des ressources publiques », indique-t-on.

Le manque d’évaluation préalable à la base de l’échec

Pour la Lucha, le manque d’une évaluation « sans complaisance » au préalable, des causes et des acteurs des violences armées, ainsi que des échecs des opérations militaires successives précédentes depuis 2014, constituent la base de l’échec de l’état de siège, malgré la bonne foi des populations et des organisations qui se sont résignées à l’accepter.

Elle pense qu’il faut maintenant tirer les leçons des limites majeures de l’état de siège, comme stratégie de pacification et envisager des alternatives crédibles.

Ce mouvement appelle les autorités congolaises à lever l’état de siège, afin de faire ce qui aurait dû être fait il y a trois mois.

Entre autres, l’évaluation « transparente, sans complaisance », avec la participation des populations affectées, afin d’identifier les vrais remèdes aux tueries, à l’insécurité et aux violences armées à l’Est de la RDC et les appliquer.