Les grands hommes saisissent souvent des grands moments pour livrer des grands messages. Ce 16 janvier 2017, l’attention de tout le monde était tournée vers la commémoration du seizième anniversaire de la disparition du troisième président de la RDC, M’zée Laurent-Désiré Kabila. C’est le moment choisi par l’ancien Vice-premier Ministre, Ministre de l’intérieur Evariste Boshab, pour larguer sa bombe oratoire, en direction de ses détracteurs, sur ses comptes Twitter et Facebook.

Il a réussi à attirer l’attention de tout le monde sur sa traque orchestrée.

Ce message n’est pas innocent. Le tableau politique de la RDC tel que peint par l’accord du 31 décembre, semble exiger qu’un nom soit inscrit dessus. Oui : le nom du Dauphin du Président Joseph Kabila qui va batailler pour la majorité présidentielle à l’élection présidentielle à venir. Mais qui ? Comment l’indexer ? Il faut sans doute une révélation du Saint Esprit pour répondre à des telles questions. Tant que Joseph Kabila n’a rien dit, personne ne sait rien.

Il faut l’écarter de la course

Dans le passé, l’accession aux hautes responsabilités au sein de la Majorité présidentielle a plus tenu à la subjectivité de son autorité morale, le Président de la République, qu’à l’objectivité d’un mode d’élévation en dignité clairement défini. Ceci justifie par exemple le fait qu’Augustin Matata Ponyo, un « nain » politique dans la MP et même au sein du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie fut élevé au rang de premier ministre, au détriment des géants comme le Secrétaire général du PPRD, Evariste Boshab.

Cet hasard alors laisse tous les cadres de la mouvance présidentielle prétendre chacun bénéficier de la faveur présidentielle et devenir candidat (e) Président (e) de la République, pour le compte de la MP à la prochaine élection. La guerre fratricide est lancée. En politique, c’est de bonne guerre dit-on.

Evariste Boshab entre en guerre à travers les réseaux sociaux. Pour ce faire, il a mobilisé son champ sémantique pour tenir une rhétorique qui cristallise la guerre des Dauphins à la MP. Dans sa communication, le langage est sec, direct. Le ton est tranchant, sans pardon :

« Je voudrais rassurer tous ceux qui sont scandalisés par des cabales organisées par des personnes incapables d’assumer leurs propos qui me les prêtent, pour jeter mon honneur et ma dignité en pâture, que ces charognards qui vivent des dépouilles ne sauront nullement ébranler ma détermination au sein du PPRD dont l’initiateur est le Président Joseph Kabila, pour un Congo toujours débout et plus fort », lâche-t-il.

Jusque là, la guerre était tacite. Après cette sortie, elle doit être bien ouverte. En laissant courir des rumeurs sur son départ du PPRD, ceux qu’Evariste Boshab qualifie de « démons de la division » ciblent certainement la crédibilité qu’il a aux yeux de l’autorité morale, le décideur, Joseph Kabila.

Mais pourquoi ? Parce que ce proche de Joseph Kabila a déjà parcouru quasiment tous les postes auxquels peut prétendre un politicien. Il les détaille dans sa communication du 16 janvier: «Directeur de cabinet adjoint du cabinet du Président de la République et Secrétaire Général du gouvernement, Directeur de cabinet du Président de la République, Secrétaire Général du PPRD, Président de l’Assemblée nationale, Vice-premier Ministre et Ministre de l’intérieur et sécurité», il rajoute : «Il n’y a aucun militant du PPRD qui a été autant promu que moi par son parti».

Joseph Kabila a plus d’une fois exprimé son estime envers cet homme. Douter qu’il peut être désigné candidat Président de la République qui va représenter la Majorité présidentielle, relèverait de la naïveté. Il faut l’écarter de la course, décident les responsables des rumeurs sur son départ du PPRD.

Dans un passé récent, ce constitutionnaliste à qui la configuration de l’Assemblée nationale actuelle est attribuée à tord ou à raison, est passée à deux doigts de la primature, à cause d’une campagne organisée contre lui.

Immaculé ou entaché, l’affaire de la SNEL et celle des fonctionnaires du palais du peuple ont pesé lourdement sur son dos, de telle sorte qu’il n’a pas pu avancer jusqu’où se trouvait le siège du Premier Ministre. Joseph Kabila l’a quand même placé au somment de son cabinet. L’histoire veut se répéter et le maître à jouer se montre déterminé à ne pas laisser ses assassins politiques répétés leur histoire d’assassinat politique.
Evariste Boshab, Candidat de la MP ?

Il est une évidence, le Vice-premier Ministre, Ministre de l’intérieur honoraire dispose de beaucoup d’atouts pour briguer la magistrature suprême de la RDC. Son intelligence. C’est un professeur à thèse, enseignant le droit constitutionnel à l’Université de Kinshasa. Auteur de plusieurs publications.

L’un des stratégistes clés de Joseph Kabila en décisions politiques. A l’intelligence, s’ajoute l’expérience dans la gestion, expérience acquise grâce à l’exercice de plusieurs fonctions au sein de l’Etat ou de sa famille politique. Il ne faut pas non plus oublier sa loyauté envers Joseph Kabila qui justifie la confiance que lui fait ce dernier.

Aucune dissension observée entre les deux depuis leur mariage. Une ascension continuelle observée dans la vie de l’inconnu Evariste Boshab, d’il y a quinze ans.

Cependant, son passage à la vice-primature, ministère de l’intérieur n’a pas beaucoup contribué à sa grandeur dans la scène politique congolaise. La loi électorale présentée et défendue au parlement qui a occasionné les manifestations du 19, 20 et 21 janvier 2015, le dédoublement des partis politiques de l’opposition, ceux jadis membres de la MP et actuellement au G7, nés alors qu’il a en charge l’intérieur, la répression et l’interdiction des manifestations publiques qui lui ont valu des sanctions du gouvernement américain, ont largement contribué à la dégradation de son image dans l’opinion locale et internationale, à tel enseigne qu’il ne figurera même pas au gouvernement né de l’accord politique du 18 octobre 2016.

Décider en faveur ou en défaveur de la candidature d’Evariste Boshab à la prochaine présidentielle, c’est jongler entre ses forces et ses faiblesses, tout en s’inscrivant dans le contexte actuel. L’enjeux est de taille.

La Rédaction