Plus d’une fois, les opposants congolais ont donné de la force au camp présidentiel en République démocratique du Congo lorsqu’il a été affaibli. Partant des élections de 2011, en passant par les concertations nationales jusqu’aux dialogues politiques de 2016, nous allons proposer à travers cet article les différentes transhumances, des plus subtiles aux plus dejantées ayant caractérisé la sphère politique congolaise. Les repositionnements des opposants congolais lors des enjeux politiques majeurs.

A la veille de l’élection présidentielle de novembre 2011, Joseph Kabila président de la RDC depuis plus de dix ans, est candidat à sa propre succession. Il est réelu à l’issue de ce scrutin. Sa famille politique arrive en tête des législatives. Etienne Tshisekedi président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) arrivé deuxième lors de cette présidentielle ne s’avoue pas vaincu, il refuse de reconnaitre les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante. Il conteste la victoire de son adversaire. Aux legislatives, le camp adverse a produit ce qu’il a qualifiera de «majorité parlementaire mécanique».

E. Tshisekedi, opposant historique, fera appel après cette défaite mal digérée à ses alliés, réunis à l’école de la casquette dite «munièré» pour faire bloc derrière lui afin de créer une resistance, susciter une crise institutionnelle afin de barrer le «passage en force» de la mouvance présidentielle. Les élus UDPS avec les poches si pas vides, en baisse après la campagne électorale, voient avec leurs sièges à la chambre basse du parlement, une opportunité de se refaire une santé financière. Ils boycottent l’appel de leur leader, celui au nom de qui la plupart ont été élus. Du coup, la crise souhaitée n’aura pas lieu comme pensée.

La position des nouveaux élus de l’opposition met le train de la majorité présidentielle sur les rails, direction, deuxième quinquennat pour Joseph Kabila, et toute une législature pour les députés mandatés par le «peuple». Ces élus affaiblissent l’opposition réunie autour d’E. Tshisekedi dans la revendication de sa victoire et donnent de la vigueur à la majorité présidentielle qui dirigera à son aise le pays. Le président national de l’UDPS est vendu dans les médias comme un mauvais perdant, celui qui a du mal à accepter la défaite.

2013, le MLC donne une passe en or à la MP

26 juin 2013, le Président Joseph Kabila convoque les concertations nationales sous la facilitation du congolais Sassou N’guesso, en lieu et place d’un dialogue conduit par un médiateur international, comme le prévu dans l’accord cadre d’Addis-Abeba. L’opposition congolaise décrie une telle démarche qui selon elle ne consistera aucunement à discuter des questions de fond qui affectent la cohésion nationale.

Le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) dont le leader Jean-Pierre Bemba croupi encore dans les géôles de la Cour pénale international pour un procès qualifié de politique, se positionne en participant de taille et parti majeur de l’opposition à ces assises. Toute l’opposition n’est pas là mais, la majorité présidentielle a un interlocuteur valable grâce à qui elle peut justifier la tenue des ce assises. Selon certaines indiscrétions, le MLC attendrait obtenir en retour la libération de son président-fondateur Jean-Pierre Bemba Gombo de la CPI. Ce n’était que du vent.

Les 100 recommandations issues de ces concertations fondent la continuité de l’exécutif national qui insère dans ses rangs quelques grandes têtes du MLC entre autres Thomas Luhaka. Ces recommandations qui résolvent superficiellement la crise plonge alors la RDC dans une nouvelle crise. Les esprits avisés y voyaient déjà une recherche de prolongement du mandat de l’actuel chef d’Etat qui voyait avancer à pas de géant la fin de son second et dernier mandat d’après la constitution promulguée par lui en 2006.

Quand l’opposition s’oppose à l’opposition, la majorité présidentielle avance

En 2015, les opposants pro Tshisekedi qui ont choisi en 2011 de siéger au parlement pour éviter la politique de la chaise vide et lutter en interne contre le camp Kabila, constatent leur défaite dans cette lutte d’une part, et d’autre part leur incapacité à empêcher Joseph Kabila de briguer un troisième mandat. Ils quittent alors l’hémicycle du palais du peuple pour venir batailler dans la rue organisant des manifestations contre le projet de la loi électorale d’ores et déjà validé par la chambre basse du parlement.

E. Tshisekedi appelle alors au dialogue selon l’esprit et la lettre de l’accord cadre d’Addis-Abeba. Il est qualifié de plusieurs manières. A Bruxelles, la partie de la diaspora congolaise qui s’y trouve souhaite même le voir dans un cercueil. Le MLC conduit par eve Bazaiba, l’UNC de Vital Kamerhe, l’Ecidé Martin Fayulu et plusieurs autres partis de l’opposition s’opposeront au dialogue. Plusieurs signaux ont laissé voir à cette période l’absence réelle de volonté de la majorité présidentielle à organiser les scrutins au bout des derniers cinq ans de J. Kabila au pouvoir. On peut citer entre autres : la pétition Mashala, le livre « Entre révision de la constitution et l’inanition de la nation» d’Evariste Boshab… En ce temps La MP poursuit son chemin avec espoir de déboucher sur un nouvel ordre constitutionnel. Ce sera un flop pour le camp au pouvoir.

La rencontre de la banlieu bruxelloise

Plus tard en juin 2016 à Genval, une balieue chic de Bruxelles, les voix des opposants congolais semblent s’accorder pour la première fois sauf celle de Vital Kamerhe. Ce dernier arrivé troisième à la présidentielle de 2011, ne veut pas évoluer dans l’ombre d’Etienne Tshisekedi désigné président du conseil des sages de cette coalition naissante de l’opposition. Il hésite d’abord d’adhérer aux closes de Genval, ensuite il y adhère au même moment qu’il ordonne à son parti et ses alliés de prendre part aux travaux préparatoires du dialogue en vue, sous la médiation du togolais Edem Kodjo, le même Kodjo récusé par le Rassemblement de l’opposition.

La majorité présidentielle place toute sa confiance en ce médiateur. Elle trouve une fois de plus des interlocuteurs «crédibles» de l’opposition : l’UNC et alliés avec qui ils signent l’accord du 18 octobre. Mais, l’enjeu est de taille. Cette fois-ci le pouvoir ne peut plus dribbler comme d’habitude. La pression extérieure et les menaces apocalyptiques du Rassemblement contraignent Joseph Kabila à confier aux évêques catholiques la mission de jouer le rôle de médiateur pour un deuxième dialogue. Au grand dam des «mangeocrates» qui ont pu dégoter des postes grâce à l’accord signé sous les auspices du togolais Kodjo.

L’accord global et inclusif du centre interdiocésain signé aux dernières heures de l’an 2016 garanti la conservation de la plus grande richesse de la RDC : la paix. Le MLC qui voulait diriger le Conseil national de suivi de l’accord confié à E. Tshisekedi ne trouve pas son compte dans cet accord. Il ne le signera qu’après un ordre express de Jean-pierre Bemba lui parvenu à travers un communiqué à l’intention du Front pour le respect de la constitution. La majorité des opposants qui ont obtenu des ministères grâce à l’accord de la cité de l’UA ne veulent pas non plus entendre parler de cet accord. Parmi eux, il faut compter le premier ministre Sami Badibanga qui pourra bloquera l’application de ce compromi s’il refuse de démissionner, ce, avant d’y être contraint.

Avec les luttes de positionnement au sein de l’opposition (Rassemblement, FRC, Opposition signataire) on assiste de nouveau à une opposition de plus en plus enclin à s’opposer à elle-même, et donnera encore une fois (peut-être) un brin de souffle à la Majorité présidentielle qui ne jure plus que sur le respect du pouvoir discrétionnaire du président de la République. «On n’imposera pas un premier ministre au président de la République», crie t-elle. Nous sommes à onze mois de décembre 2017 et la question à se poser aujourd’hui c’est «jusqu’où ce souffle va emmener Joseph Kabila et sa majorité ?» Nous vous le dirons quand nous le saurons.