Vingt-deux civils au moins ont été massacrés pendant le week-end de Noël dans une région de l’Est de la République démocratique du Congo meurtrie depuis plus de deux ans par une vague de violences aveugles dont les ressorts sont difficiles à comprendre.
Le drame s’est produit à Eringeti et dans ses environs, dans le territoire de Beni, région du nord de la province du Nord-Kivu ensanglantée depuis octobre 2014 par une succession de tueries ayant fait plus de 700 morts.
Joint par téléphone de Goma, la capitale provinciale, l’administrateur du territoire de Beni, Amisi Kalonda a imputé l’attaque aux Forces démocratiques alliées (ADF), rébellion ougandaise musulmane installée dans la région depuis plus de vingt ans.
« Hier, [les ADF] ont tué dix civils » à Eringeti, localité agricole frappée par plusieurs massacres similaires, déclaré M. Kalonda à l’AFP.
« Douze autres corps ont été retrouvés [dimanche] dans des villages environnants » par l’armée qui poursuivait les assaillants, a-t-il ajouté.
« Le mode opératoire, c’est toujours le même », a dit M. Kalonda : les victimes ont été tuées « à l’arme blanche et à la machette ».
Teddy Kataliko, président de la Société civile du territoire de Beni, coalition d’associations locales, a confirmé le bilan donné par l’administrateur.
« Nous ne comprenons pas » cette violence, a-t-il dit, « nous ne savons plus à quel saint nous vouer ».
Selon un prêtre du diocèse catholique de Beni-Butembo, l’attaque a fait « 27 morts » parmi la population, et a créé la panique, poussant des habitants à fuir. « Le bilan macabre est en train d’évoluer […] au fur et à mesure qu’on découvre des corps dans la forêt » aux abords de la ville, a-il-dit.
– Trafics mafieux –
Le capitaine Mak Hazukay, porte-parole des Forces armées de la RDC (FARDC) dans la région, a déclaré que les soldats avaient « tué quatre rebelles ADF », et que la traque des agresseurs se poursuivait.
« Les cultes (de la nuit de Noël) n’ont pas été tellement perturbés » par l’attaque, a dit le prêtre car, « du fait de l’insécurité, la messe de minuit est célébrée de manière anticipée, vers 15h00 ou 16h00 », avant la tombée de la nuit. Mais « les gens n’ont pas fêté Noël comme à l’accoutumée » après la messe.
Selon le capitaine Hazukay et M. Kataliko, une autre attaque a visé la ville d’Oicha, plus au sud, à partir de 16h00 (14h00 GMT), dimanche et était encore en cours vers 19h45 (17h45 GMT).
Joint par téléphone vers 21h15 (19h15 GMT), le prêtre a dit avoir été tout juste informé que les FARDC avaient « repoussé les assaillants », mais aucun bilan de victimes éventuelles n’était encore disponible.
Plus de deux ans après les premiers massacres, le gouvernement congolais et les Casques bleus de la Mission de l’ONU au Congo (Monusco), présents en nombre dans la région, s’avèrent toujours incapables de protéger la population locale et d’identifier les auteurs de ces crimes, régulièrement présentés comme de « présumés ADF ».
Plusieurs chercheurs ou militants associatifs locaux dépeignent eux une violence aux rouages complexes dont seraient responsables, outre des rebelles ADF, des soldats de l’armée régulière et des combattants d’autres milices locales, sur fond de trafics mafieux, de différends ethniques et de conflits fonciers.
L’Est de la RDC, et tout particulièrement le Nord-Kivu, est déchiré depuis plus de vingt ans par des conflits armés.
Les violences d’Eringeti et Oicha viennent clore une semaine particulièrement meurtrière en RDC, où le mandat du président Joseph Kabila s’est achevé mardi. M. Kabila, à qui la Constitution interdit de se représenter, compte se maintenir au pouvoir jusqu’à ce que soit élu quelqu’un pour lui succéder.
Indépendamment du dernier massacre dans la région de Beni et d’une attaque au bilan toujours inconnu dans le centre du pays, entre 56 et 125 personnes, selon les sources, ont été tuées dans des violences politiques ou interethniques en sept jours.
Kinshasa Times/Africatime