L’occupation de Masisi-Centre par la rébellion du M23 révèle bien plus qu’un conflit armé. Située à seulement 80 km de Goma, cette ville stratégique, à la croisée des ressources naturelles, des intérêts politiques et des dynamiques régionales, est au cœur d’un nouvel épisode de tension dans l’Est de la RDC. Quels sont les enjeux derrière cette conquête ?
Samedi 4 janvier, le M23 a pris le contrôle de Masisi, située à environ 80 km au nord-ouest de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu. Enclavée mais connectée par des routes vitales, la ville est une source importante d’approvisionnement pour Goma. Le territoire regorge de terres agricoles fertiles et de ressources minières, attirant convoitises et violences depuis des décennies. Les produits agricoles de Masisi, notamment les pommes de terre et le lait, alimentent une part significative des marchés de Goma, renforçant son importance économique.
Cette proximité avec Goma en fait aussi une position militaire et logistique stratégique. La prise de Masisi ouvre un corridor vers d’autres zones riches en ressources, tout en isolant davantage les FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) et leurs alliés locaux, les Wazalendo, dans leur tentative de reconquête.
Pourquoi les FARDC peinent-elles face au M23 ?
Malgré des déclarations ponctuelles de victoires sur certains axes, la déconfiture des FARDC face au M23 s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, le soutien militaire du Rwanda au M23, dénoncé par l’ONU, offre à la rébellion un avantage tactique et technologique décisif. Selon le rapport de juillet 2024, des milliers de soldats rwandais opèrent aux cotés des rebelles, fournissant équipement, formation et appui logistique.
D’autre part, l’armée congolaise souffre d’un manque cuisant de coordination, de matériel et de moral. D’ailleurs, les accusations de corruption au sein des FARDC n’arrangent pas la situation, affaiblissant leur capacité à défendre des zones stratégiques. Ce déséquilibre a contraint les FARDC à des replis dit « stratégiques », comme à Lushebere et Massi-Centre, pour éviter des pertes civiles massives.
La signification diplomatique de la chute de Masisi
La prise de Masisi place la RDC dans une position délicate sur la scène internationale. Les initiatives de paix, telles que la médiation angolaise à Luanda, sont dans l’impasse, laissant planer une question cruciale : le gouvernement congolais optera-t-il pour une nouvelle offensive militaire ou pour des négociations.
Kinshasa, par la voix des députés locaux et de la société civile, dénonce « un silence international coupable » face à l’implication du Rwanda dans la crise. Mais en coulisses, le gouvernement congolais semble divisé entre une ligne dure et une approche plus pragmatique visant à limiter les dégâts humanitaires.
Selon les experts, l’occupation de Masisi pourrait forcer Kinshasa à intensifier ses plaidoyers auprès de l’Union africaine pour des sanctions plus fortes contre Kigali, tout en explorant des mécanismes de dialogue pour éviter une escalade incontrôlée.
Alors que les armes se sont tues temporairement ce dimanche 5 janvier à Masisi-Centre, les collines environnantes résonnent encore des détonations des combats entre FARDC, Wazalendo et M23. Une paix durable semble, une fois encore, suspendue entre confrontation armée et négociations diplomatiques incertaines.
Kinshasa doit agir vite pour éviter que Masisi ne devienne le point de bascule d’une crise déjà hors contrôle, tant sur la plan humanitaire que politique.