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RDC : Joseph Kabila, entre retour contesté et sagesse incomprise ?

Dans ce contexte complexe, le retour de Joseph Kabila soulève une interrogation fondamentale : s’agit-il d’un véritable appel à la réconciliation et au renouveau démocratique, ou simplement d’une tentative de récupération du pouvoir dans un paysage politique déjà saturé de manœuvres calculées ?

Après plusieurs mois de silence, Joseph Kabila, l’ancien président de la République démocratique du Congo, a réintégré la sphère publique en rejoignant le réseau social X ce mardi 25 février, marquant ainsi un come-back qui divise autant qu’il intrigue. Taciturne depuis 2019, il réactive désormais son réseau politique et renouvelle ses alliances de toujours.

Sur la scène internationale, Kabila ne se contente pas de renouer avec ses anciens alliés. Dans une tribune publiée par le média sud-africains The Sunday Times, il a lancé un avertissement clair à l’encontre de l’engagement militaire de l’Afrique du Sud en RDC. Selon lui, la présence des troupes sud-africaines – déployées sous l’égide de la SADC – reflète une approche purement militaire face à une crise aux racines politiques, sociales et institutionnelles. Pour Kabila, cette stratégie risque d’exacerber la situation déjà précaire de son pays, en ignorant les revendications légitimes d’un peuple qui aspire à une gouvernance plus juste.

À Nairobi, dès janvier, Kabila a réuni des figures emblématiques de son ancien régime – Aubin Minaku, ex-président de l’Assemblée nationale, Néhémie Mwilanya, son ancien directeur de cabinet, Emmanuel Ramazani Shadary, ex-candidat à la présidentielle de 2018, ainsi que Richard Muyej et Bernabé Kikaya Bin Karubi, fidèles de toujours. Cette rencontre, à l’apparence discrète, annonce une stratégie résolument structurée : avec Minaku désigné vice-président du PPRD et un partage collégial du pouvoir avec Shadary, l’ancien chef d’État prépare ainsi son retour officiel sur le terrain congolais.

L’ancien président s’en prend également aux dérives internes. Il évoque la rupture du Pacte républicain issu du dialogue inter-congolais de Sun City, accord qui avait symbolisé la première alternance pacifique avant que les élections de décembre 2023 ne soient entachées de manipulations. Son discours, à la fois nostalgique et lucide, rappelle une époque où la politique congolaise semblait encore pouvoir se réinventer par le dialogue. Pour Kabila, l’actuelle administration de Félix Tshisekedi est responsable d’un régime marqué par la répression, la censure et l’exil forcé de nombreux opposants.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Tandis que certains voient en ce retour une manœuvre opportuniste destinée à légitimer une nouvelle dynamique autoritaire, d’autres y perçoivent l’écho d’un « éternel sage » qui tente d’avertir sur les dangers d’une gouvernance déconnectée des aspirations populaires. Pour certains, « Kabila ne peut pas se mettre dans la posture de donneur des leçons », « Nous avons vécu le plus pire durant son règne », clame un internaute.

Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, accuse même ce come-back d’être le prélude à une « guerre d’agression » contre l’opposition.

Dans ce contexte complexe, le retour de Joseph Kabila soulève une interrogation fondamentale : s’agit-il d’un véritable appel à la réconciliation et au renouveau démocratique, ou simplement d’une tentative de récupération du pouvoir dans un paysage politique déjà saturé de manœuvres calculées ? Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si cette réapparition, aussi controversée qu’ambivalente, marquera un tournant dans l’histoire politique de la RDC ou restera une ombre du passé, plus symbolique qu’opérationnelle.

Alors que la RDC continue de naviguer entre espoirs de changement et réalité des conflits persistants, le come-back de Kabila incite à une réflexion profonde sur les voies possibles vers une stabilité démocratique durable.

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