La mort du pape François, annoncée ce 21 avril 2025 au Vatican, ravive en République démocratique du Congo le souvenir de l’un de ses discours les plus marquants. Lors de sa visite à Kinshasa en février 2023, le souverain pontife avait lancé un vibrant appel à la communauté internationale : « Retirez vos mains de la République démocratique du Congo ! Retirez vos mains de l’Afrique ! » Une injonction forte, que beaucoup considèrent aujourd’hui comme un testament politique et moral, à la lumière de la guerre d’agression en cours dans l’Est du pays.
À l’époque, le pape dénonçait les ingérences extérieures et les logiques de prédation qui empêchent l’Afrique, et particulièrement la RDC, de se développer dans la paix et la dignité. Il dénonçait notamment la convoitise pour les ressources naturelles, qui alimente les conflits armés et le pillage économique sous couvert de stratégies géopolitiques et commerciales.
Aujourd’hui, ce cri d’alarme résonne tragiquement dans l’Est de la RDC. Goma et Bukavu sont assiégées par l’armée rwandaise et le M23, et les populations civiles prises en étau d’une terreur sans fin. Ce groupe armé, qualifié de terroriste par Kinshasa, est soutenu militairement et logistiquement par le Rwanda, comme l’ont confirmé plusieurs rapports des Nations Unies. Kigali poursuit ainsi une stratégie de déstabilisation, motivée par le contrôle direct ou indirect des minerais stratégiques présents dans la région.
À cette agression extérieure s’ajoute un facteur interne : l’implication présumée de l’ancien président Joseph Kabila. Selon des révélations récentes, aujourd’hui cristallisées par la suspension des activités de son parti politique, le lancement des poursuites judiciaires contre lui et la saisie annoncée de tous ses biens, car ce dernier serait un des parrains politiques et financiers du M23. Cette hypothèse, autrefois marginale, gagne du terrain et ajoute une dimension de lutte de pouvoir à cette guerre en cours.
Une alliance entre le Rwanda qui poursuit des ambitions expansionnistes et économique d’un côté, et certains acteurs politiques locaux dont Joseph Kabila qui caresse le rêve de revenir au pouvoir, et visiblement par les armes.
Ce double parrainage, interne et externe, révèle la nature hybride du conflit : une guerre à la fois géopolitique et économique, où les ressources du pays sont au cœur de l’affrontement. Le coltan, le cobalt, l’or et autres minerais de haute valeur sont extraits illégalement dans les zones contrôlées par le M23, puis acheminés à travers des circuits transfrontaliers qui bénéficient à des réseaux puissants, souvent hors d’atteinte de la justice congolaise.
Sur le plan humanitaire, la situation reste critique. Des centaines de milliers de déplacés s’entassent dans des camps de fortune autour de Goma. L’économie locale est asphyxiée, les corridors commerciaux sont coupés, et les ONG dénoncent une crise sanitaire en expansion. Dans ce climat de détresse, les appels du gouvernement congolais à la solidarité internationale se heurtent à une diplomatie souvent frileuse et à des intérêts divergents.
La mémoire du pape François, qui avait vu en la RDC « un diamant d’Afrique » qu’il fallait protéger, résonne comme un avertissement. Sa disparition intervient alors que les mécanismes qu’il dénonçait sont toujours à l’œuvre. Son message, désormais posthume, garde toute son actualité : une interpellation directe à ceux qui alimentent, financent ou profitent des conflits en Afrique, au détriment des peuples qui y vivent.