En République démocratique du Congo, de nombreux hommes pensent que l’habillement sexy des femmes serait un déclencheur des viols. Des experts expliquent que c’est plutôt le regard perverti de ceux qui prennent la femme pour un objet sexuel, qui les poussent à violer.
Une courte robe avec une large fente ouverte à l’arrière, un court body qui exhibe le nombril, une mini-culotte qui expose les cuisses, ou un décolleté plongeant qui laisse à découvert les seins d’une femme… L’habillement « sexy » d’une femme peut-il autant aiguiser l’appétit sexuel des hommes, au point de les pousser à commettre un viol ?
Dans la capitale congolaise, de nombreux jeunes en sont convaincus. Tel Exaucé Matadi, qui pose cette question assez bouleversante à un parterre d’experts, lors d’un débat public autour du thème « Comment impliquer les jeunes dans la lutte contre les violences sexuelles ? », organisé en octobre 2016 à Kinshasa, par la Fondation Hirondelle en collaboration avec le Bureau du Représentant Personnel du Chef de l’Etat en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement forcé des enfants dans les groupes armés (BRP). « Pourquoi, martèle-t-il, n’adopte-t-on pas des lois qui condamnent le mauvais habillement des femmes, qui est une source fondamentale des violences sexuelles en RDC ?”.
Ni l’âge, ni l’habillement
Généralement accusés et seuls à être souvent condamnés à des peines de 5 à 20 ans de prison pour crimes de viol, les hommes, à l’image de ce jeune, semblent éprouver un sentiment d’injustice en cette matière. Il faut d’abord « éduquer les femmes qui les premières violent les hommes par leur façon de s’habiller, et les hommes en second », suggère Désiré Wembolowa.
Représentant personnel du chef de l’Etat congolais en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement forcé d’enfants dans les groupes armés, Jeanine Mabunda, invité dans ce débat kinois, a dû retenir son souffle, en écoutant ces jeunes. Elle a eu une réaction très directe, et franche, à leur endroit : « C’est comme si vous nous disiez : comme les filles s’habillent en body ou en pantalon…, nous avons le droit de les violer ! ».
Jeanine Mabunda a parcouru la quasi-totalité du pays. Pour elle, l’habillement ne peut en aucun cas être une excuse pour expliquer, justifier le viol. Elle affirme qu’en RDC, les viols se commettent indépendamment de l’âge et de l’habillement des personnes. Dans nos villages, à l’époque, « les femmes étaient peu habillées et nous n’avions pas de viol, rappelle Mabunda. A Kasangulu, près de Kinshasa, un lieutenant d’une trentaine d’années a violé une femme de 73 ans, manifestement sa grand-mère ! Ce n’est pas l’habillement qui l’a incité au viol ! A Mbuji-Mayi – centre du pays -, une petite fille d’à peine 3 ans a été violée, ce n’est pas l’habillement de ce bébé qui a été à l’origine du viol… »
Regard perverti de l’homme
Psychologue, clinicien et sexologue, Jean Lumbala est un des rares Congolais qui détient une expérience éprouvée en matière de viols. Auteur du livre « La vie sexuelle des Congolais », il affirme que 60% de ses patientes le consultent parce qu’elles ont été victimes de violences sexuelles. L’expert ne pense pas, lui non plus, que l’habillement est ce qui provoque le viol. C’est plutôt « le regard de l’homme qui est perverti par l’habillement de la femme. C’est à l’homme de se surpasser, de ne pas considérer la femme en face de lui comme un objet sexuel », argumente-t-il.
Les violences sexuelles revêtent plusieurs formes en RDC : des viols physiques brutaux et sanglants liés aux conflits armés, l’esclavage sexuel, des viols rampants qui se passent dans des familles, sous forme de kidnapping des jeunes femmes pour raison de mariage, d’unions conjugales forcées ou celles des mineurs autorisées par certaines coutumes, relations dans lesquelles le consentement des femmes est inexistante…
En plus des considérations culturelles, il faut commencer à regarder cela sous l’angle de santé mentale, estime Jean Lumbala. « Les violeurs sont des malades. En dehors de la peine qui leur est infligée, il faut les accompagner de manière à soigner leur pathologie mentale, car la plupart d’entre eux récidivent après être sortis de prison, parfois pour agresser leurs victimes. »
Nathalie Sala, Agence Kandindi