A Bunia, en province d’Ituri, on compte les jours. « Onze jours que l’état de siège a été décrété par le président Tshisekedi », lance Germaine, une mère de six enfants qui reconnaît que « les attaques des groupes armés ont peut-être un peu diminué ». Mais pour elle, comme pour ses amies d’un groupement de femmes de l’Ituri, c’est la déception. « On a vu les militaires remplacer les civils et c’est tout. Depuis, on attend et on entend surtout que le nouveau pouvoir militaire cherche à récolter de l’argent dans la population pour mener ses actions. Ce n’est pas ce qui était prévu. Ils sont venus les mains vides et ils attendent que nous les financions, c’est n’importe quoi ».
Luc Malembe, ancien activiste du mouvement la Lucha passé en politique dans les rangs de Lamuka « aile Fayulu », ne dit rien d’autre. « C’est une énorme déception. On pensait que les militaires allaient immédiatement se mettre au travail. Qu’ils allaient lancer de grandes opérations contre les groupes armés, qu’ils allaient contraindre au désarmement. Mais on ne voit rien venir ».
« Les jours passent vite, continue-t-il, et ils n’ont pas beaucoup de temps. Le fait de voir arriver des militaires ne change rien pour nous. Des généraux, on en a à la pelle. On en a eu jusqu’à huit qui étaient dans notre ville et cela n’a pas ramené la paix ».
« La population attendait des gestes forts de la part des militaires, explique un édile local. Aujourd’hui, elle commence à s’impatienter ».
« Déployer des troupes, décréter l’état de siège, c’est du vent s’il n’y a pas des actes et des moyens. On voit que le général qui a pris la place du gouverneur se lance à la recherche d’argent local. Il veut mobiliser les recettes. Où veut-il aller chercher l’argent dans une province en guerre. L’état de siège est une décision du président, il doit se donner les moyens de sa politique. Sans quoi, les troupes qui sont ici vont s’installer dans la durée et on va replonger dans le cycle traditionnel que l’on connaît trop bien. Des militaires qui sympathisent avec des groupes armés et qui finissent pas s’entendre sur le dos de la population », continue Luc Malembe.
« Il faut que ces militaires agissent vite, poursuit Germaine. Il faut qu’ils règlent le problème et qu’ils s’en aillent. C’est une situation exceptionnelle qui ne doit pas durer. »
Luc Malembe confirme : « il ne faut pas que l’état de siège s’éternise et devienne un nouvel argument pour le que le pouvoir reporte le scrutin de 2023 ». Et lui aussi insiste sur la nécessité de limiter autant que faire se peut cet état d’exception. « L’état de siège restreint drastiquement nos droits et nous sommes jaloux de nos droits. Ce ne doit pas être l’installation d’une dictature militaire dans une ou deux provinces qui ont déjà vécu des choses terribles ces 25 dernières années. »
Quand on évoque l’arrivée de troupes étrangères, tous réagissent . En substance : « pas question que les militaires ougandais reviennent ici. S’ils devaient arriver, ce serait dangereux pour tout le monde. Ici, on n’a pas oublié ce qu’ils nous ont fait endurer ».
« Cet état de siège ne doit pas être un nouveau fardeau pour nous. Ce ne doit pas être un nouveau fardeau pour rien! », conclut Luc Malembe.
La Libre AFRIQUE/ MCP, via Kinshasatimes.net