Jeudi 15 octobre dernier a eu lieu la rentrée judiciaire au Palais de Justice, commune de Gombe à Kinshasa. Une rentrée qui est intervenue après un temps des vacances légales des cours, tribunaux et parquets correspondants.

Seulement, pour bon nombre d’analystes et observateurs, la dernière rentrée judiciaire intervient dans un climat politique particulièrement complexé. La Cour constitutionnelle, qui selon la loi, assure la présidence du Conseil supérieur de la magistrature est non seulement en manque de deux, de ses juges, mais elle est aussi présidée, par un intérimaire, qui n’a pas tout le pouvoir décisionnel, soutiennent les observateurs.

À la base de cette situation, la guerre, mieux, les antipodes engagées entre le Front Commun pour le Congo (FCC) et le Cap pour le Changement (CACH) pour la gestion de la Haute Cour. Une situation qui prend des tournures inquiétantes, lorsqu’on sait qu’en début de semaine dernière, plusieurs médias ont relayé la position des présidents de deux chambre législatives du parlement congolais, qui ont donné l’avis du pouvoir législatif, après leur rencontre avec Félix Tshisekedi, le président congolais, à la cité de l’Union africaine (UA). À cette rencontre, il a été évoqué la question de prestation de serment des juges récemment nommés à la Cour constitutionnelle. Des nominations querellées, jugées anticonstitutionnelles par bon nombre d’acteurs politiques, à l’opposition tout comme à la majorité, particulièrement au FCC, dont font partie les présidents du sénat et de l’assemblée nationale. « Nous avons évoqué la loi… » avait déclaré le président du sénat, Alexis Tambwe Mwamba, au sortir de cette audience.

Quelques heures après, soit le mercredi 14 octobre, le Chef de l’État congolais avait une fois encore, sous son initiative, rencontré les différents corps du pouvoir judiciaire: ceux de la Cour constitutionnelle et ceux du Conseil supérieur de la magistrature. Avec eux, Félix Antoine Tshisekedi a une fois encore, évoqué la question de prestation de serment des juges constitutionnels. Une manière pour lui, d’avoir l’avis des juges, au sujet d’une question qui fait couler ancre et salive et les interprétations qui en sont faites ne font l’unanimité au sein de l’opinion.

Cependant, la déclaration dans les médias de Jean Paul Mukolo Nkokesha, Procureur général près la Cour constitutionnelle et président a.i du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), au sortir de la rencontre avec le Chef de l’Etat, ont fait objet de plusieurs commentaires au sein de la classe politique congolaise.

Pour plusieurs analystes et observateurs. Ceux-ci soutiennent qu’il s’agit de la réponse du berger à la bergère. « Nous pensons que monsieur Jean Paul Nkokesha a été expressément engagé par le Chef de l’Etat pour répondre aux deux chefs de corps du pouvoir législatif », affirme un analyste qui a requis l’anonymat et qui craint que le pa soit engagé sur une voie de crise entre institutions.

Et de poursuivre: « il est regrettable que cela arrive sous l’instigation du Président de la République, lui qui est le garant du bon fonctionnement des institutions ». S’agissant des propos du Procureur général près la Cour constitutionnelle qui a soutenu entre autres que les rapports entre les institutions sont au beau fixe; que le pouvoir judiciaire fonctionne normalement; que les dernières nominations dans la magistrature n’ont été entachées d’aucune irrégularité et que la prestation de serment aura lieu sans problème devant le magistrat suprême, les observateurs notent qu’au regard des statuts et fonctions qui sont les siens, Monsieur Mokolo est appelé au devoir de réserve et ne devait émettre d’avis sur une question concernant la Haute cour dont-Il est actuellement le responsable numéro un, du fait d’en assumer l’intérim.

Et ce n’est pas tout. Les observateurs estiment que plusieurs contre vérités restent truffées dans les propos du président a.i du CSM. Notamment au sujet des bonnes relations entre les institutions. Pour ces analystes, seuls les rapports entre les pouvoirs judiciaires et exécutifs semblent être bons, mais entre l’institution président de la république et le parlement, ces rapports ne sont bons, car ayant détériorés depuis plusieurs mois. Ainsi, affirmer le contraire n’est autre qu’un boutiquage avec le magistrat suprême afin de régler des comptes à la direction du Parlement, qui plusieurs jours avant, pris position dans un dossier qui met le Président de la République dans une situation particulièrement indélicate », affirment-ils.

Le Chef de l’Etat meneur de jeu?

Dans leur lecture et analyse, bon nombre d’analystes voient la main de Félix Antoine Tshisekedi derrière ces antipodes. « Lisant le comportement des uns et des autres, l’on comprend bien que c’est le Chef de l’Etat qui mène le jeu avec pour objectif d’en tirer profit. Mais il ignore qu’un tel agissement est très dangereux pour lui », déclare un autre.

Les juges nommés par Fatshi et contestés par le FCC à base du blocage

Les nominations dans la magistrature du mois de juillet dernier par le président Tshisekedi, qui ont évincé Kilomba et Ibulu, deux juges de la Cour constitutionnelle dont les mandats est toujours en cours, continuent à être contestées par le FCC. La famille politique de l’ancien président congolais Joseph Kabila, exige aussi que soient reportées lesdites nominations, qu’elle juge anticonstitutionnelles. Ce que ne veut entendre Félix Tshisekedi dont les collaborateurs ont maintes fois fait savoir que le Chef de l’Etat n’y reviendra jamais et que cela soit bien entendu et une fois pour toutes.

Pourtant les deux chambres du parlement, majoritairement FCC, ne sauront convoquer un congrès pour valider les juges contestés. Abordant la question dans le même sens, l’Avocat Théodore Ngoyi, défenseur des juges Kilomba et Ibulu, continue à soutenir qu’aussi longtemps que le mandat d ces deux juges mutés au Conseil d’Etat n’étant pas échu, nul ne peut le déplacer pour presser dans une autre autre juridiction sans leur accord. L’homme qui a dernièrement déclaré le Président Fatshi risque des poursuites pour haute trahison, pour le même dossier, continue de soutenir que les dernières Ordonnances du président de la République sont nulles et de nul effet. Et les deux postes de juges à la Haute cour ne sont vacants, car légalement occupés par les deux juges constitutionnels Ibulu et Kilomba.

Au regard de ce qui vient d’être évoqué, les analystes préviennent que les antipodes entre les acteurs de la coalition au pouvoir mettent en danger le pays. La crise actuelle au pays risque de porter un coup fatal à la cohésion nationale. Et les acquis de la démocratie courent un danger, pourtant obtenus au prix du sang de nombreux de filles et fils de la RDC.