Après la publication du calendrier électoral en République démocratique du Congo, le décor pour des « probables confrontations » entre forces de l’ordre et manifestants est presque planté. Les mouvements citoyens et les leaders de l’opposition qui tiennent mordicus à ce que les élections soient ramenées à la moitié de l’année 2018 et non en fin d’année, préparent des marches « pacifiques » dans des villes de la RDC où les autorités publiques interdisent de manifester. Jusqu’où pourront mener ces contestations?
Tout de même, après 2006 et 2011, les congolais savent évidemment que « élections » en RDC riment avec « violence« . Même si la RDC sait pertinemment quelque chose de ces violences électorales, l’exemple le plus parlant, celui du Kenya, montre que les troubles électoraux peuvent conduire jusqu’au crime de guerre ou au crime contre l’humanité pour lequel la CPI a poursuivi pendant un moment l’actuel président Uhuru Kenyatta.
Cet exemple sert aussi d’exemple en ce qui concerne la responsabilité de la commission électorale kényane dans le massacre de plus ou moins 1 300 kényans et 600 mille déplacés en 2007. En effet, n’eût été un processus électoral entaché d’irrégularités, qui sait si les kényans ne se retrouveraient « jamais » dans la rue ces jours là pour «s’entretuer».
Mais alors, la liste des 6 présumés responsables des violences post électorales au Kenya dressée par le procureur Moreno Ocampo, n’a repris aucun nom des membres de la Commission électorale kenyanne. Cela, en dépit de l’aveu de l’ancien président de cette Commission, Samuel Kivuitu, qui déclara «avoir subi des pressions» et ne pas être sûr de la victoire du président sortant, Mwai Kibaki.
La responsabilité intellectuelle
A la Cour pénale internationale l’implication d’une personnalité, seigneur de guerre soit-elle, dans un crime de guerre, crime contre l’humanité commis lors des troubles quelconques, ne se résume plus à la simple présence de ce dernier sur la scène de crime, depuis la condamnation du congolais Jean-Pierre Bemba Gombo à 18 ans de prison, parce qu’il «savait que [ses] troupes commettaient ou allaient commettre ces crimes », avait argumenté la juge principale de la chambre de première instance III, Sylvia Steiner, pour justifier la sentence de la Cour.
Les commissions électorales savent qu’en organisant un processus électoral alambiqué, en favorisant un camp au détriment de l’autre qui a quasiment accès aux mêmes (vrais) résultats des urnes grâce aux témoins, elles ouvrent une porte aux contestations, aux manifestations qui se soldent par des morts. Comment alors le moment venu ne s’attaquer qu’aux causes, (les affrontements entre acteurs politiques) en laissant de côté la racine du mal, qu’est l’organe technique de l’organisation des élections?
L’indépendance, l’expertise puis la partialité !
Point n’est utile de rappeler ici que les commissions électorales ont été imaginées comme des structures apolitiques devant jouir d’une certaine indépendance afin d’être à l’abri des manipulations politiciennes dans l’arbitrage des ambitions des uns et des autres. Hélas ! cette indépendance les dote d’une liberté de marcher parfois sur les constitutions de leurs pays respectifs, ou encore sur les conventions des décideurs politiques.
Cette indépendance enfoui dans la « carapace d’expert technicien des élections » produit une sorte de labyrinthe dans lequel même l’expertise du concepteur ne semble l’aider à se retrouver. Il se dégage qu’au nom de son indépendance, la commission électorale est intouchable. Par son « expertise, » elle développe une position ascendante de telle sorte que personne ne peut inférer sur ses dires, ses prévisions. En réalité, « indépendance » et « expertise » sont des concepts utilisés par les présidents des commissions électorales pour en réalité «dissimuler leur partialité après avoir choisi leur camp».
La contrainte
Au Kénya, la récente annulation de l’élection présidentielle par la Cour suprême a démontré l’indifférence de l' »IEBC » à corriger les erreurs du passé. Dans sa peau «d’homme libre» et « d’expert électoral”, le président de la centrale électorale kenyane, Wafula Chebukati, a fait la sourde oreille aux revendications de l’opposant Raïla Odinga pour réorganiser une élection qu’a remporté le seul candidat, Uhuru Kenyata, à plus de 98%.
En RDC, lorsque la CENI parle, l’opposition et la société civile crient souvent au scandale. Dans le sens contraire, le camp présidentiel évoque l’indépendance et l’expertise de cette dernière. Au bout du compte, rien, personne, ne semble l’arrêter.
L’accord du 31 décembre 2016 avait prévu la tenue des élections au plus tard, en décembre 2017, donnant par ailleurs la possibilité à la tripartite Gouvernement, CENI, CNSA de revenvoyer au-delà de cette échéance ces élections si nécessaire. Surprenant, le président de la Commission électorale nationale indépendante, Corneille Nangaa a devancé tout le monde en évoquant le délai de 504 jours après toutes les opérations d’enrôlement des électeurs pour organiser les élections. Il a suffit que les USA tapent du point sur la table pour qu’il fasse le rétropédalage.
Cette contrainte de circonstance à laquelle a été soumise la CENI pour publier le calendrier électoral tout en réduisant le délai de 504 jours doit être permanente pour limiter les violences post électorales. Comme elle cible et averti les chefs de guerre, la CPI devrait en faire autant avec les présidents des commissions électorales africaines, en raison de leur planification des violences en décrédibilisant le processus électoral. Ils sont souvent ces « responsables intellectuels » des confrontations pré et post électorales entre les acteurs politiques et leurs partisans.