Kinshasatimes.cd vous propose une tribune de Tharcisse Kasongo Mwema Yamba Yamba.
Dans son adresse de dimanche 19 janvier aux Congolais à Londres, Félix Tshisekedi a eu une phrase qui a soulevé un remous dans l’assistance : « Les Banyamulenge sont des Congolais ». Certains compatriotes y ont vu l’occasion d’affirmer qu’il a vendu le pays aux Rwandais (c’est une opinion comme une autre) et les réseaux sociaux en sont surchauffés.
Maintenant, prenons les choses avec recul. Y a-t-il oui ou non un problème « banyamulenge » au pays ? La réponse est évidente. Ce n’est pas pour rien qu’une communauté congolaise va engager des avocats internationaux pour la défendre contre d’autres Congolais. Cela n’est jamais arrivé avec les autres ethnies qui ne sont pas toujours en paix entre elles.
En abordant la question publiquement, Félix Tshisekedi reste dans sa logique selon laquelle, pour faire la vérité, il n’est point besoin de guerre. Il faut s’asseoir, s’écouter, faire parler la science et l’histoire, sans préjugés, sans parti-pris. C’est dans le même esprit qu’il faut inscrire la démarche de la délégation de la communauté Banyamulenge auprès du Cardinal Ambongo. Conclure du fait que cette visite s’est terminée par une belle photo de famille des Banyamulenge autour du Chef de l’Eglise que ce dernier a vendu le pays est un non-sens, une malheureuse tentative de la passion de brider la réflexion responsable.
Venons-en à la question elle-même : les Banyamulenge, littéralement « ceux qui viennent de la montagne », sont un groupe rwandophone vivant dans l’Est de la République du Congo, dans le Sud Kivu dans la zone proche de la frontière avec le Burundi. Selon l’observatoire de l’Afrique Centrale, ils ont trois origines : un premier groupe originaire du Royaume du Rwanda, avant la colonisation, un deuxième en provenance du Burundi, et un troisième de Tanzanie. Un fait indéniable est là, qu’ils avaient obtenu leur nationalité congolaise depuis le temps du Maréchal Mobutu.
Il est vrai, les relations avec les autres populations n’ont pas toujours été pacifiques. Il est vrai qu’il y a eu, des décennies plus tard, l’afflux des immigrés rwandais à la suite du génocide rwandais. Il est vrai qu’il y a désolation à l’Est et massacre des populations congolaises qui mettent à mal les relations entre le Congo et le Rwanda, avec en toile de fond l’objectif réel ou supposé de balkanisation ou d’occupation. Ces problèmes doivent être résolus avec sérénité et responsabilité, en privilégiant les moyens pacifiques et diplomatiques. Et là où il faut montrer les muscles, la dernière série des victoires des FARDC montre qu’elles savent désormais répondre présent au rendez-vous.
La question banyamulenge empoisonne le pays, il faut le reconnaître, mais elle est devenue aussi un fonds de commerce pour certains politiciens. Si vous êtes du Sud Kivu et qu’on veut vous combattre, il est de bonne guerre de vous qualifier de Rwandais. On a même détecté des origines rwandaises au grand Lumumba … Un mérite de cette sortie volontairement médiatisée de Félix Tshisekedi est de lancer au débat national la question des Banyamulenge, laquelle question en rejoint une autre, également soulevée par le Chef de l’Etat, celle de la nationalité. Aux leaders politiques, aux historiens, aux scientifiques, aux intellectuels de montrer le chemin, et non de suivre la rumeur de la rue.