Contrairement à beaucoup d’autres groupes armés congolais et d’organisations islamistes radicales, les Allied democratic forces (ADF) affiliés à l’organisation État islamique en Afrique centrale sont parmi les plus meurtriers et communiquent peu sur leurs actions. Ils n’ont pas de porte-parole officiel et subissent rarement des désertions.

Très rependus dans la région de Beni en province du Nord-Kivu où ils opèrent depuis la fin des années 90 ; les terroristes ougandais de l’ADF ont fait leur toute première incursion au sud de leur zone opérationnelle et habituelle dans le village Nguli situé à 6 kilomètres de Kyavinyonge dans la chefferie de Baswagha en territoire de Lubero ayant fait 9 morts le weekend le 19 mars dernier. Une attaque qui a été vite récupéré par le Daech qui n’a pas tardé de revendiquer à travers l’agence de presse Amaq qui a annoncé avoir élargi son territoire d’opérations.

Au début du mois de mars, une attaque avait visé une Eglise protestante a fait plusieurs morts et des blessés graves. Le Baromètre sécuritaire du Kivu a dans son rapport de 2017 classé les ADF parmi les plus meurtriers dans l’est de la Rd Congo pour avoir tué plus de 3.000 personnes dont 150 chaque mois.
Ils ont évolué au fil du temps et leurs ambitions ont changé aussi longtemps que les années se sont succédées.

Des questions se posent sur leur origine, leurs modus opérandi, leur appartenance à l’Etat islamique et tant d’autres.

Qui sont-ils exactement ?

Nés en Ouganda, vers les années 90 ; les ADF ont marqué leur début en Ouganda sous le vocable « mouvement pour la prédication ; Tabliq » qui fut longtemps présenté par le pouvoir de Museveni comme une secte musulmane. Ce qui a conduit à l’emprisonnement durant trois ans de certains responsables, dont Jamil Mukulu accusés de plusieurs exactions et violences commises par ce mouvement. Aussitôt libérés de la prison, Mukulu et sa bande se sont installés à l’ouest du pays où ils ont continué à gêner le pouvoir en place.

Chassés du pays, ils se sont alors installés de l’autre côté de la frontière de la Rd. Congo. Ils se sont alors associés à l’Armée nationale pour la libération de l’Ouganda (NALU). Ensemble, les deux se sont fixés l’objectif de renverser le pouvoir de Yoweri Kaguta Museveni. Ils se sont appelés ADF-NALU. A leur début, ils étaient soutenus par Mobutu Seseko, président de la République qui était à couteau tiré avec Museveni et qui, pour tenter de le renverser à appuyer ces miliciens avec des munitions.

La coalition va rependre le sang des populations dans la région jusqu’à devenir un mouvement terroriste reconnu par les Etats-Unis d’Amérique. Depuis début mars, l’ambassade américaine à Kinshasa promet jusqu’à 5 millions de dollars pour toute information pouvant identifier ou localiser le redoutable Moussa Bakulu, l’un des chefs des ADF en RDC. Pour tenter de réduire l’effectif du mouvement, l’armée congolaise a lancé plusieurs opérations mais la résurgence des ADF-NALU ne cesse de se faire voir avec des attaques meurtrières à grande échelle dans le territoire et ville de Beni dans la province du Nord-Kivu.

Âgé d’environ 47 ans, Moussa Bakulu d’origine ougandaise et originaire de la région de Kasese en Ouganda et située à la limite de la chaîne du Rwenzori.

Interprétation radicale et violente du Coran

Le groupe ADF observe une radicalisation complète depuis 2000 et un peu tard en avril 2018, il a fait allégeance à travers sa hiérarchie à l’organisation Etat Islamique.

Depuis lors, l’EI revendique toutes les attaques perpétrées par les ADF dans la région de Beni classé dans l’Etat islamique de la province d’Afrique centrale. Il ressort de l’analyse du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) un groupe d’experts basé à New York, de vidéos internes au mouvement, ainsi que des entretiens avec des déserteurs que ce mouvement est dirigé aujourd’hui par l’Ougandais Musa Seka Baluku recherché par la justice américaine et qui prône une « interprétation radicale et violente du Coran, arbore un drapeau semblable à celui utilisé » par des mouvements tels que Boko Haram et tenter de « se rallier à d’autres groupes djihadistes dont l’organisation de l’Etat islamique ».

Sachant que seul 1,5% de la population congolaise est musulmane, les ADF décapitent des soldats des FARDC et des civils ayant refusé de se convertir à l’islam. Ils ont repris les codes et initiaux de cette organisation et ont alors choisi une nouvelle appellation le : « Madina at tauheed wau muhajedeen » (MTM), traduit en français par la « Ville de l’unicité et des moudjahidine ».

Toutefois, les Etats-Unis ont été les premiers à classer le groupe parmi les alliés de l’organisation Etat islamique…

Quid de leur mode opératoire?

La région de Beni demeure le théâtre des terroristes ADF qui, depuis leur arrivée en RDC tuent, enlèvent des personnes et égorgent des paisibles populations dans cette partie du territoire congolais, notamment dans les villages de Rwanzori, Semuliki et dans la partie communément appelée « triangle de la mort ». Ils ont élargi leur champ d’opération dans des villages de Mambasa et Mahagi, dans la province voisine de l’Ituri.

L’un de leurs grands bastions repertoriés par le GEC dans son rapport enviyé à l’ONU se trouve à Madina, entre Beni, Irumu et un autre surnommé la « Machine » dans la province de l’Ituri. Ils sont responsables des plusieurs massacres sur des civils pour riposter aux offensives lancées contre eux par l’armée congolaise (FARDC) conjointement avec l’armée ougandaise (UPDF).

De leur passage dans des villages et agglomérations, ils incendient des villages entiers, des maisons des habitants, ils tuent et égorgent la paisible population à la hache et à la machette, selon des autorités locales citées par plusieurs médias congolais et internationaux ainsi que plusieurs rapports sur la sécurité dans la région.

Selon GEC et BSK mais aussi des vidéos publiées par les ADF sir les réseaux sociaux, des enfants sont enrôlés de force dans leur mouvement où ils apprennent eux aussi à commettre des atrocités.

Opération Shujaa pour enfin maîtriser l’ADF?

Vers la fin de l’année 2021, les gouvernements congolais et ougandais ont décidé de coaliser les efforts dans le cadre de l’opération «Shujaa» lancée conjointement pour tenter de maîtriser le phénomène ADF. Ceci était suite aux explosions des bombes attribuées à ces derniers devenues récurrentes à Beni et à Kampala avec notamment plusieurs victimes côté population.

Très préoccupé par la situation, l’Ouganda de Museveni n’a pas attendu l’officialisation de la coopération, des éléments UPDF ont été déployés à la fin du mois de novembre 2021. Des résultats s’en sont suivis, notamment la destruction par la coalition FARDC-UPDF des certains grands bastions des terroristes en Ituri.

L’armée a aussi annoncé avoir capturé une traintaine de ses assaillants et neutralisé d’autres. Des attaques ont été déjouées sur l’axe Luna-Komamda par la coalition et dans plusieurs autres agglomérations jadis considérées comme lieu de théâtre des ADF MTM. L’opération Shujaa a aussi réussi à libérer plusieurs captifs et otages des terroristes, notamment les enfants et les femmes , tel que diffusé régulièrement à la télévision nationale ougandaise.

L’armée congolaise aussi, à travers le Général-major Léon Richard Kamunga ancien porte-parole des Forces armées de la Rd Congo a aussi venté les mérites de l’opération conjointe. Plusieurs organisations, notamment le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) n’a pas partagé le même point de vue avec l’armée congolaise qui félicitait d’avoir détruit tous les sanctuaires et quartiers généraux des ADF en l’espace de 5 mois, soit de novembre 2021 à mars 2022.