La plainte plainte contre Martin Fayulu, président de l’Ecide et leader de Lamuka et Théodore Ngoyi, son co-accusé, candidat malheureux à la dernière présidentielle continue à faire réagir dans les milieux politiques. La dernière en date, c’est la réaction de Bruno Kalonda, l’un de cadres de l’Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECIDE), parti cher à Martin Fayulu Madidi. Dans un entretien à votre journal, ce soldat de Martin Fayulu pense que la justice congolaise a beaucoup à faire et doit éviter de distraire la population dans des affaires « acéphalopodes ». Un entretien que nous vous proposons l’intégralité.

Kinshasatimes: Dans une plainte à charge de Martin Fayulu et Théodore Ngoyi, deux candidats aux dernières élections présidentielles en RDC, le Centre de réflexion juridique de la lutte contre l’impunité (CRJLI), une petite Ong locale accuse le leader de l’ECIDE et son collègue Ngoyi d’incitation à la révolte envers l’autorité publique et d’offense au Chef de l’Etat. Comment avez-vous jugé la démarche de cette Ong ?

Bruno Kalonda: Il s’agit de la distraction d’une Ong qui a décidé de militer pour Tshisekedi. Nulle part dans ses propos, Monsieur Fayulu avait affirmé avoir porté plainte contre Félix Tshisekedi. Il a plutôt dit : « Monsieur Félix Tshisekedi risque la haute trahison », et rien d’autre. Curieusement, le Congo est le seul pays où les gens veulent rester dans la comédie et se targue le droit de changer les propos des autres. Actuellement, partout ailleurs, les gens évoluent, construisent et développent leurs nations, il n’y a qu’au Congo où l’on veut passer le temps dans la distraction. Il y a beaucoup à faire en RDC et le congolais n’a pas besoin d’etre distrait par une ong qui s’est inscrite dans une démarche propagandiste pour se donner de l’importance. Fayulu n’a aucune minute à accorder à une structure militante, qui a prouvé à la face du monde son fanatisme vis-à-vis du fils de Tshisekedi.

KT: La CRJLI fonde sa démarche sur les déclarations des sieurs Fayulu et Ngoyi, qui ont évoqué fin août dernier, la possibilité de traduire en justice le président Tshisekedi, pour ses ordonnances du 17 juillet 2020, relatives aux nominations intervenues dans la magistrature et l’armée, que les deux personnalités jugent inconstitutionnelles. Votre réaction ?

BK: J’aurai voulu que Monsieur Tshisekedi mette des moyens à la disposition de cette petite Ong, pour lui permettre de mener des actions humanitaires et/ou caritatives. Ce qui serait compréhensible, étant donné que nous sommes en politique. Malheureusement, elle a trouvé bon de se faire manipuler pour se lancer dans une démarche creuse, surréaliste, sans lendemain. Le ridicule dans tout ça c’est que, quelques heures avant le jour où les deux personnalités devaient répondre à cette convocation, le procureur près la Cour d’appel de Kinshasa Gombe a nié d’avoir invité dans son office les deux personnalités. Une dénégation qui a étonné bon nombre d’observateurs, lorsqu’on sait que ces invitations étaient authentiques et certifiées. Aussi, dans les médias, les congolais avaient suivi comment les membres de cette Ong sont allés déposer leur plainte. Nous pensons que cela doit cesser. Si cette Ong a de compte à rendre à l’Udps, c’est son affaire. Cela n’engage l’ECIDE.

KT: Comment avez-vous reçu la nouvelle de cette fausse vraie ou vraie fausse convocation du procureur près la Cour d’appel de Kinshasa Gombe ?

BK: C’est avec beaucoup de regrets que j’ai appris cette nouvelle. Regrets, non pas parce que l’on a peur de la justice, mais plutôt parce que, pour une énième fois, la justice de notre pays semble ne pas être à la hauteur des missions qui sont les siennes. Le procureur doit savoir faire son travail. Il y a beaucoup de dossiers auxquels les congolais attendent le voir agir. Notamment, le dossier 15.0000.000 (quinze millions de dollars américains, celui des tueries à l’Est, avec les incursions récurrentes des groupes armés dans des villages et habitations. Et ce, sans ignorer le dossier go pass. La megestion, le détournement des millions fonds glanés par cette taxe initiée depuis 2012, et qui devait servir à la construction et la modernisation des aéroports qui n’existent presque pas au pays. Voilà des grands sujets auxquels les congolais attendent la force de la justice. Le procureur doit éviter de distraire le peuple dans des histoires acéphalopodes.

KT: Y’a-t-il eu violation de la Constitution ou pas ?

B.K: La constitution a effectivement été violée. Et ce, dans sa lettre et son esprit. Le mandat à la Cour constitutionnelle est de 9 ans. Félix Tshisekedi ne devait pas procéder à la nomination des deux juges constitutionnels alors que l’eus mandats à la Cour constitutionnelle étaient en cours d’exercice. Ses conseillers l’ont induit en erreur, la responsabilité du leader de l’Ecide n’est engagée ni de près ni de loin dans ces nominations inconstitutionnelles. Il revient à monsieur Tshisekedi d’apprendre à respecter la Constitution. Quant à Fayulu, droit dans ses bottes, il vient de prouver une fois encore à la face du monde qu’il est défenseur de la Constitution, de la légalité et de la légitimité. D’ailleurs si besoin en était encore, l’on se souviendra que c’est depuis l’ère Kabila qu’il l’a toujours fait. À l’époque, Fayulu avait initié des marches pour la défense de la Constitution. Chaque jeudi, il y avait une marche dénommée: ‘’Ne touche pas à l’article 220, ne touche pas à ma Constitution ». A cette période, l’Udps ne voulait y prendre part. Seul Jacquemain Shabani qui avait quelques fois accompagné Fayulu. Le parti au pouvoir ne doit pas l’oublier. Ce que nous demandons à celui qui est au pouvoir, c’est de savoir respecter la loi fondamentale, car chaque fois qu’il la violera, il rencontrera sur son chemin Fayulu et ses soldats.

Aussi, selon plusieurs informations, nous apprenons que Félix Tshisekedi, après s’être rendu compte de l’inconstitutionnalité de ses ordonnances, veut y revenir. Il aurait convoqué ses conseillers juridiques, afin de réfléchir d’un éventuel rétropédalage et rappeler lesdites ordonnances. La preuve c’est qu’il n’a pas des bons collaborateurs. Il doit savoir les choisir, car nous ne sommes pas responsables de ses erreurs.

KT: Pourquoi Fayulu et Théodore Ngoyi défendent-ils les deux juges, pourtant accusés à tort ou à raison d’appartenir au FCC ?

B.K: L’opinion doit comprendre que Fayulu ne défend pas les individus mais la loi et la légalité. Le chef de l’Ecide reste légaliste et défend la Constitution. Ce n’est pas parce que ces juges ont rendu le jugement contre Fayulu, en proclamant celui qui n’avait pas été élu président de la République et qu’il tomberait dans la violation de la loi, comme l’a fait Tshisekedi. Ces juges seraient de l’Udps, du Pprd, du Palu ou du Mlc, Martin Fayulu les défendrait. Et ce, au nom de la légalité. Le président élu de la RDC n’entend lésiner dessus, encore moins faire des concessions.

KT: Augustin Kabuya, Secrétaire général de l’Udps accuse Fayulu de faire le boulot du FCC pour renverser du pouvoir Félix Antoine Tshisekedi. Y‘ aurait-il un rapprochement ou une alliance en gestation entre le tandem Ngoyi Théodore-Martin Fayulu avec le FCC ?

B.K: Il n’existe aucun rapprochement entre Fayulu, Lamuka ou Ecide avec le FCC. Contrairement à ce que soutiennent ses pourfendeurs. Théodore Ngoyi a approché le président Fayulu en tant que leader politique. Comme avocat défenseur de deux juges, Théodore Ngoyi a jugé utile de partager avec Fayulu les dérives dans le chef des ordonnances de Tshisekedi. En outre, Monsieur Tshisekedi le sait bien que s’il arrivait qu’il soit destitué ou si quelque chose lui arrivait ( Ndlr: parce que c’est un humain comme tous les autres), son potentiel successeur c’est bien Alexis Tambwe Mwamba. J’ai le devoir de rappeler aux congolais que lors des élections pour la présidence du sénat, il y a eu deux tickets. D’un côté il y a eu Modeste Bahati comme candidat président avec Evariste Boshab au poste de vice-président, et de l’autre côté Alexis Tambwe Mwamba avec comme vice-président Samy Badibanga. Félix Tshisekedi a eu à peser pour que son ami Samy Badibanga soit élu à la vice présidence du sénat. Il avait malheureusement oublié que si le ticket Bahati passait, ce dernier serait derrière lui. Aujourd’hui, s’il lui arrive un problème et que le FCC reprenne le pouvoir par Tambwe Mwamba, ce n’est pas le problème de l’Ecide, moins encore de Fayulu son président.

« Les congolais doivent savoir faire le choix des personnes en qui ils confient mandat et qui les représentent au sein des institutions ».

KT: L’actualité au pays, c’est également les révélations de Mike Mukebayi sur monsieur Fayulu. Le député provincial de Lingwala accuse Fayulu et Muzito de tribalisme. Il accuse le président de l’ECIDE d’avoir dévié l’argent lui envoyé par Muzito, pendant qu’il était en prison mais aussi d’avoir trahi Tshisekedi à Genève. Qu’en dites-vous ?

B.K: Je ne veux pas perdre de l’énergie pour m’attarder sur cette question. Tout ce que je dois recommander aux congolais, c’est de savoir faire le choix des personnes en qui faire confiance et à qui confier un mandat politique. Je crois qu’il est temps et c’est maintenant le temps de changer les choses. Il faut obligatoirement retourner à l’époque où, seules les personnes de bonne moralité assumaient des fonctions et charges politiques. Ce qui aiderait le pays et son peuple.

K.T: Le député FCC Ngoyi Kasandji propose que l’élection du président de la République passe du suffrage direct à celui indirect. Comme c’est le cas en Afrique du Sud et ailleurs. Vous soutenez pas ou pas cette proposition ?

B.K: La proposition du Front commun pour le Congo (FCC) ne date pas d’aujourd’hui. C’est depuis le temps Kabila qu’il a été proposé que les élections passent du suffrage direct à celui indirect. À mon humble avis, une telle proposition est un recule de la démocratie. L’on ne doit priver au peuple congolais sa souveraineté. Notre Constitution étaye clairement le mode du scrutin. Elle donne mandat au peuple souverain de se choisir librement et de manière transparente ses dirigeants. Si les élections des gouverneurs et sénateurs ont été sous émaillées de corruption, selon le rapport du procureur après des enquêtes qu’il a eu faire. Malheureusement, Tshisekedi qui avait reçu les résultats de ces enquêtes avait à la même occasion affirmé de prendre des mesures (Ndlr : silence radio jusqu’ici). Il n’a rien fait. Pourtant, dans deux ans il y aura encore d’autres élections des sénateurs et députés provinciaux. Il est temps de réfléchir sur la manière d’élire les prochains sénateurs.

Aujourd’hui, élire le président de la République au suffrage indirect, c’est ouvrir la voie à la corruption. Les congolais sont très corruptibles, qu’est-ce qui manquerait au candidat président de la République de corrompre pour se faire élire? Une telle proposition ne passera jamais. Chaque fois que le FCC tentera de nous l’imposer, il nous rencontrera sur son chemin pour lui barrer la route. Heureusement, dans son tweet d’il y a quelques jours, Néhémie Mwilanya, Coordonnateur du FCC a recadré les choses, soutenant qu’il ne s’agit de la position officielle du FCC. Mais s’il s’agit de leur rêve, ils ne doivent pas oublier que Kabila ne rentrera plus au pouvoir en RDC.

KT: Martin Fayulu multiplie des rencontres avec plusieurs personnalités, ambassadeurs et autres opérateurs de la vie politico-sociale de la RDC, pour des échanges sur les réformes électorales. Pensez-vous qu’il soit écouté d’une bonne oreille ?

B.K: Les échanges entre Monsieur Fayulu et les différentes personnalités au niveau tant national qu’international relèvent de la proposition du plan de sortie de crise qu’il avait faite depuis plus d’une année. Nul n’est censé ignorer qu’aujourd’hui, les élections ne doivent pas être organisées sans réformes. Parmi lesquelles celles de la Ceni et de la Cour constitutionnelle. Le pays étant ce jour en insécurité, avec les entrées en toute liberté des groupes armés dans le territoire national, sans compter les tueries, les viols de femmes et de la jeune fille à l’Est. Les menaces de mort sur le Prix Nobel de la paix, le Docteur Dénis Mukwege. Tous ces éléments prouvent que l’Etat n’existe plus. C’est donc ça l’économie du message de Fayulu dans ses échanges avec les différents ambassadeurs et opérateurs influents de la société congolaise.

Il faudra n’est-ce pas rappeler que dernièrement l’on a vu l’Udps s’opposer contre la désignation de Ronsard Malonda à la tête de la Ceni. Mais à la place, qu’est-ce qu’ils ont proposé ? Il y a eu un forum organisé à Kinshasa par l’université de Liège où s’est déplacé le professeur Bob Kabamba. Le CACH et le FCC ont refusé de participer, prétextant qu’ils ne peuvent prendre part aux discussions qui ont lieu en dehors des institutions. Mais qu’est-ce qui peut sortir de ces institutions à majorité kabilistes? Nous sommes bien préparés pour contrecarrer toute tentative de glissement, s’ils tentent de le faire, les congolais descendront dans la rue pour les étouffer.

KT: Quelle lecture faites-vous de la situation socio-économique actuelle au pays ?

B.K: La situation sociale et économique du pays va mal et doit faire pleurer. Ça fait pratiquement deux ans, depuis que Monsieur Tshilombo est au pouvoir. Il n’y a rien qui marche. La dévaluation de la monnaie d’un côté, avec l’ascension du roi dollar et de l’autre côté, les réserves d’échange qui servent à équilibrer l’économie sont utilisées pour des projets bidons. Des sauts-de-mouton et maisons préfabriquées made in China. Nul ne peut comparer les maisons en matériaux durables construites par Mobutu dans différents camps militaires et qui existent jusqu’à ce jour, à celles proposées dans le programme de Monsieur Tshisekedi. Chez nous les militaires et policiers font carrière. Derrière eux, il y’a de nombreuses familles. Comment est-ce possible de les loger dans des maisons préfabriquées et en bois, qui n’ont qu’une durée éphémère? Le Congo regorge de plusieurs cimenteries, d’arbres qui peuvent fournir ces maisons. Il aurait fallu recourir à l’expertise nationale et créer des emplois avec cet argent. Malheureusement, les gens ont préféré se le partager sans initier des grands projets. On aurait voulu que soient créés de nouveaux camps et cités militaires et/ou policiers. Malheureusement, ils ont préféré confiner ces hommes dans des camps déjà surpeuplés.
Bref, le pays est dirigé sans programme. D’où la tristesse pour la population congolaise, qui attendra longtemps pour voir le bout du tunnel. Le slogan creux ‘’du peuple d’abord’’ balbutié par celui qui s’est précipité à voler le pouvoir de Fayulu n’est qu’illusions. Rien ne marche et Kabila ne l’aide pas.