La mythique entreprise, qui fut le socle de l’économie congolaise, est à l’agonie, dépouillée par l’élite du pays. Elle tente difficilement de renaître. Au siècle dernier, l’usine de Shituru en République démocratique du Congo (RDC) produisait du cuivre qui s’exportait dans le monde entier.

Les habitants de la cité industrieuse de Likasi (anciennement Jadotville), à une centaine de kilomètres de Lubumbashi, adoraient celle qui avait fourni de l’emploi, des logements, des écoles, des dispensaires, des routes, des bars et des fêtes.

Perchée sur les hauteurs, l’usine surplombe une ville qui sombre aujourd’hui dans la misère, malgré des sols parmi les plus riches en minerais – cuivre et cobalt principalement – de la planète. Elle a été belge, congolaise, zaïroise, puis à nouveau congolaise. Elle a résisté aux guerres, a subi la nationalisation de Mobutu Sese Seko, renversé en 1997 par la rébellion d’un enfant de la ville, Laurent-Désiré Kabila, dont le fils, Joseph, a pris la succession en 2001.

L’usine a bientôt 88 ans. A l’agonie, elle n’emploie plus grand monde, ne produit que 2 000 tonnes de cuivre par an alors que sa capacité de production est de 135 000 tonnes et semble souffrir d’exister. Likasi se meurt, de même que les hippopotames des environs, menacés par des déchets toxiques déversés par l’usine.

« Trafic d’influence »

Comme la totalité du minerai de l’ex-Katanga, l’usine de Shituru est la propriété de la Gécamines, une société d’Etat héritée du colon belge et nationalisée en 1967, qui fut le socle de l’économie congolaise, puis une formidable « caisse noire » des régimes successifs, comme lâchent habitants et employés désabusés. Au fil des dernières décennies, les bénéfices du groupe minier se sont effondrés, sans que cesse la prédation des élites du pays sur ce trésor qu’elles pensaient inépuisable. Les ouvriers, eux, peinent à percevoir leur salaire.

Depuis le nouveau code minier entré en vigueur au lendemain de l’arrivée au pouvoir de Joseph Kabila, le secteur s’est ouvert aux investissements étrangers. Dépecée, la Gécamines s’est contentée de partenariats souvent opaques avec des sociétés peu scrupuleuses. La richesse minière de l’ex-Katanga se concentre désormais entre les mains d’opérateurs américains, chinois, suisses, kazakhs et de leurs filiales offshore. Elle s’évapore dans de complexes circuits financiers qui mènent aux paradis fiscaux.

« Les dirigeants politiques au sommet de l’Etat interviennent dans l’ombre par le jeu du trafic d’influence (…), suivent de près les activités du partenariat et y interfèrent », soulignait dès 2005 un
rapport des parlementaires congolais. « Rien n’a changé. Au contraire, les circuits de corruption se sont sophistiqués, déplore aujourd’hui un député de l’opposition qui avait participé à la rédaction du
rapport. Kabila et ses amis font avec la Gécamines ce que même Mobutu n’a jamais osé faire. »