Composé de dix dames, l’orchestre Nketo Bakaji est actuellement le seul groupe musical de la ville de Kinshasa qui met en exergue le savoir-faire des artistes féminins. Partant des percussions et batteries, guitares et violons jusqu’à la ligne chant, les musiciennesde Nketo Bakaji interprètent essentiellement les anciens succès des différents orchestres congolais. Au Centre M’Eko, à Kinsuka Pécheur,où est érigé le quartier général de Nketo-Bakaji, Aphia Star (chanteuse), se pointe et au nom groupe, elle fait découvrir cet orchestre crée depuis 2014 et qui draine du monde derrière lui.

KINSHASATIMES.CD : Pourquoi le nom de Nketo-Bakaji, ça dit presque la même chose ?

ALPHIA : Nketo en kikongo, bakaji en tshiluba. Nketo veut simplement dire « Femme ». Et Bakaji, c’est « les femmes au pluriel». Donc, avant qu’elles ne deviennent « Femmes », elles étaient avant tout « femme ». C’est la femme responsable d’un foyer, femme travailleuse, qui est venue s’associer aux autres pour constituer une force qu’on appelle «Bakaji ».

K. Qui en est l’initiateur et pourquoi sa création ?

A. Son initiateur est Monsieur Louis Onema. Il a eu cette idée de créer Nketo Bakaji en 2014 pour promouvoir les talents artistiques des femmes. Dans notre monde des arts, il était difficile de voir une femme jouer un instrument de musique ou un groupe qui ne soit constitué que des femmes. Et Monsieur Louis Onema a apporté son
savoir-faire pour nous rassembler autour de ce projet Nketo Bakaji.

Nous sommes toutes les ressortissants de l’Institut National des Arts (INA) et après nos diplômes de graduat, nous avons été contactées pour intégrer l’orchestre.

K. Quelles sont vos productions les plus marquantes ?

A. Il y en a plusieurs en tout cas. Au Kongo-Central, Beatrice hôtel, Pull man…. Il y en a plusieurs, je ne saurai pas tout citer.

K. Quelles sont vos difficultés majeures ?

A. Nous avons un sérieux problème de soutien. A part le centre M’Eko et le centre Wallonie Bruxelles, nous ne recevons aucun soutien. Nous faisons parfois des répétitions sans carburants, alors qu’il y a un groupe électrogène. Nous éprouvons d’énormes difficultés pour réussir nos projets. L’image que ça donne, on dirait qu’on n’existe pas.

K. Avez-vous mené des démarches auprès du Ministre du Genre ?

A. Nous sommes déjà partis voir la ministre. Elle a promis de nous rappeler pour un soutien. Mais nous avons attendu son soutien tellement qu’elle a fini même par perdre son poste au profit d’une autre. Et pourtant elle avait apprécié l’idée d’avoir un groupe musical qui ne regroupe que des femmes.

K. Vous êtes déjà parti voir la nouvelle venue ?

A. Non, la nouvelle, pas encore.

K. Quelles sont les réalités de votre métier entant que des musiciennes ?

A. Oui, nous avons compris que la plus part des hommes qui viennent nous soutenir visent d’abord un intérêt.

K.… quel est cet intérêt ?

A. L’intérêt, de l’amour. Chez nous, nous avons un principe : Si quelqu’un apprécie une chanteuse, le contact à donner est celui de notre président. Si les gens veulent nous aider doivent passer par notre président. Et c’est à lui de donner les modalités pour aider l’orchestre. Mais généralement, quand ils appellent et tombent sur une voix masculine, ils n’appellent plus prochainement. Nous travaillons dans des normes et des logiques tracées surtout que nous avons toutes étudiées. Peut être si nous étions dans les « chute ya sima » (sale combines), les gens allaient beaucoup nous soutenir. Peut-être, c’est ça le vrai problème qui fait que nous soyons délaissées.

K. Et si un homme se présentait pour épouser l’une de vous ?

A. Ce n’est pas aussi mauvais. Quelqu’un peut tomber amoureux de moi, par exemple, sur scène en appréciant mes mouvements corporels mais généralement il ne vise qu’une seule chose. Une fois, qu’il découvre ce qu’il cherchait il ne viendra plus. Mais si quelqu’un est sérieux, pourquoi refuser, aussi je vous informe que parmi nous, il y a des femmes mariées. Nous refusons des aventurieux.

K. Pour le mois de la femme, qu’entendez-vous par parité 50/50 d’ici 2030 ?

A.… (Rire…) je n’ai pas d’idée… (Rire aux éclats…) Eh, (s’exclame-t-elle posant ses deux mains sur la tête).

K.… Parité dans votre domaine veut dire que l’on retrouve aussi des orchestres féminins au côté de ceux animés et tenus par les hommes.

A. La parité, c’est une bonne idée. Chez nous NketoBakaji, nous avons un bassiste homme mais nous faisons tout ce que les hommes font. Il faut qu’il n’y ait plus des limites entre ce que les hommes font et nous (Ndr : Femmes). Nous ne voulons plus être exclues dans des manifestations officielles. Nous voulons aussi être là au même titre
que les autres groupes composés des hommes.

K. Quel est le contenu de votre répertoire ?

A. Notre répertoire est plus composé des anciens succès. Dans les compositions actuelles, il y a plus des insanités que des bons textes.
Mais par contre, dans les anciennes compositions comme « Mouzi », «Liberté », il y a beaucoup de conseils. Notre force et particularité, c’est notre répertoire composé essentiellement des anciens succès.

K. Comment arrivez-vous à gérer les conflits entre vous ?

A. Ça nous arrive aussi de nous disputer voir même de nous bagarrer entre nous. Mais quand nous montons sur scène, nous oublions tout. On fait tout pour que nos querelles n’influencent pas notre travail.

K. Les grandes comme Tshala Mwana, Mbilia Bel et les autres vous inspirent-elles ?

A. Bien sûr. Leurs textes. Leurs façons de se tenir sur scène. Mais nous avons vraiment besoin de gens pour le soutien. Notre groupe est composé que des filles, c’est ça aussi notre particularité. Nous sommes ouvertes au recrutement des jeunes dames ou filles qui jouent et qui chantent ou qui jouent à l’instrument. Nos portes sont ouvertes pour recevoir des nouvelles recrues.

K. Quelle est la vision de votre groupe ?

A. Qu’on nous cite dans le monde entier comme nous le faisons avec nos anciennes mamans comme Taz Bolingo. Nous voulons convaincre le monde afin de laisser nos empreintes. S’imposer dans le monde entier.
A suivre…